"Gilets jaunes" : mobilisation en baisse, tensions, réactions… Ce qu’il faut retenir de "l’acte 5"

Le ministère de l'Intérieur a recensé 66.000 manifestants, samedi en France, contre 125.000 la semaine passée.
Le ministère de l'Intérieur a recensé 66.000 manifestants, samedi en France, contre 125.000 la semaine passée. © CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP
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avec Théo Maneval, Jacques Thérence et AFP , modifié à
La mobilisation des "gilets jaunes" s'est essoufflée, samedi, à l'occasion de "l'acte cinq" du mouvement. En soirée, le ministère de l'Intérieur comptabilisait deux fois moins de manifestants que la semaine passée.

Une mobilisation en net recul, quelques tensions mais pas de casse : le mouvement des "gilets jaunes" s'est essoufflé samedi à Paris et en régions, contrastant avec les violents heurts des semaines précédentes. Le ministère de l'Intérieur recensait ainsi 66.000 manifestants à 18 heures dans toute la France, contre 125.000 comptabilisés à la même heure samedi dernier.

Une mobilisation en net recul

Était-ce la conséquence des mesures dévoilées lundi par le chef de l'État ou la répercussion des appels à "suspendre" le mouvement après l'attentat du marché de Noël de Strasbourg mardi soir ? Peut-être un peu des deux. Le ministère de l'Intérieur a en effet comptabilisé deux fois moins de manifestants sur l'ensemble du territoire que la semaine passée.

"Je suis frustré. Je pensais qu’aujourd’hui, il y allait avoir plus de gens, plus de revendications", confiait Anthony, venu expressément de Nîmes pour crier sa colère sur les Champs-Élysées. Les autorités "ont bien mené leur barque", constatait-il, amer au micro d'Europe 1.

Une journée globalement calme à Paris

À midi, la capitale a connu un pic de mobilisation avec 4.000 manifestants. Ils n'étaient cependant que 2.200 étaient à 14 heures et 900 à 18 heures. Peu avant, les Champs-Élysées avaient en effet rouvert à la circulation. L'évacuation s'est faite sans heurts, mais les forces de l'ordre ont quand même employé les grands moyens. Malgré le froid, les canons à eau ont repoussé les manifestants vers un seul point de sortie. Dans l'après-midi, de petites échauffourées les avaient opposé aux "gilets jaunes", sans le déferlement de casse et de violence survenu la semaine dernière dans les rues adjacentes.

Deux images fortes ont d'ailleurs marqué la journée. Cinq femmes grimées en statue de "Marianne", buste dénudé et peint en gris, cape rouge sur les épaules ont notamment fait face aux CRS. Une action organisée par l'artiste luxembourgeoise Déborah de Robertis.

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© Zakaria ABDELKAFI / AFP

Autre image forte : environ 400 personnes se sont rassemblées dans le calme sur les marches de l'Opéra Garnier, pour un "sit-in" où ils ont observé une minute de silence pour les blessés depuis le début de leur mouvement.

Énièmes preuves de l'apaisement s'il en est : sur les places de la Bastille ou de la République, si des banques et magasins avaient recouvert leur façades de contreplaqué de crainte de nouvelles dégradations, ils sont malgré tout restés ouverts. Aux abords des grands magasins parisiens, en pleine activité à l'approche de Noël, les badauds se croisaient même avec des sacs de courses, loin de l'impression d'état de siège les semaines précédentes.

Autre chiffre révélateur : à 18 heures, il y avait eu dans la capitale 168 interpellations dont 112 gardes à vue, bien en-deçà des chiffres record de la semaine dernière. Sept blessés légers ont par ailleurs été dénombrés. Au total, 8.000 membres des forces de l'ordre avaient été déployés à Paris, appuyés par 14 véhicules blindés à roues de la gendarmerie (VBRG). Ils étaient 69.000 sur tout le territoire.

Quelques heurts en régions

À Nantes, quelque 1.200 personnes, selon la police, ont aussi manifesté sous une certaine tension alimentée par des salves régulières de grenades lacrymogènes. À Besançon ou Nancy, des échauffourées ont eu lieu, comme en fin de cortège à Saint-Etienne, où 52 personnes ont été interpellées. Même scénario à Toulouse, Besançon et Lyon.

Les manifestants étaient globalement moins nombreux, en particulier dans plusieurs villes comme à Rennes, Caen ou Strasbourg.

Par ailleurs, des accès routiers ont été perturbés, tels l'A7 (Vaucluse) mais aussi l'A62 (Toulouse-Bordeaux), A61 (Carcassonne) et l'A64 (Toulouse-Tarbes). L'A6 avait été coupée dans les deux sens à la limite entre Saône-et-Loire et Rhône, par le préfet, par précaution.

Moins de monde, mais toujours beaucoup de colère

Cette nouvelle journée de manifestation nationale avait valeur de test pour l'exécutif après les annonces d'Emmanuel Macron visant à mettre fin à cette crise sociale inédite.

Bien que moins nombreux, les manifestants n'en étaient toutefois pas moins déterminés. Des "Macron démission" ont encore fleuri dans les cortèges. Les manifestants étaient également nombreux à réclamer l'organisation d'un "RIC", un référendum d'initiative citoyenne.

Devant l'Opéra Garnier à Paris, des représentants des "gilets jaunes" ont réclamé un tel dispositif afin de "rendre au peuple son rôle souverain". Alors que plusieurs manifestants brandissaient des pancartes "RIC", ils réitéraient ainsi une demande formulée jeudi devant la salle du jeu de Paume à Versailles, haut lieu de la Révolution de 1789.

Les annonces d'Emmanuel Macron lundi, elles, ont été diversement accueillies. "Les annonces de Macron sont un premier recul, ça montre qu'on peut le faire reculer, il faut continuer tous les moyens de pression", estimait à Lille Jacques Caudron, un enseignant à la retraite âgé de 66 ans.

"Tout peut être discuté", y compris le "RIC", a répondu samedi sur BFMTV le président de l'Assemblée nationale Richard Ferrand (LREM), tout en estimant qu'il faut "apporter des réponses élaborées à des problèmes complexes et qu'on ne peut pas se contenter de solutions simplistes".

L'éxécutif appelle désormais au débat

Première voix politique à s'exprimer dès samedi soir, Richard Ferrand a salué une baisse de mobilisation "nécessaire". "Il a été massivement répondu à leurs revendications" et "le temps du dialogue est venu", a-t-il jugé depuis le marché de Noël de Strasbourg, théâtre de la tuerie qui a fait quatre morts mardi soir.

Peu après 20 heures, le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner a réagi à son tour, sur Twitter. "Grâce au fort engagement de nos forces de l'ordre dans le cadre d'une doctrine revisitée, la journée se termine bien", s'est-il satisfait, avant de poursuivre : "Le dialogue doit maintenant rassembler l'ensemble de ceux qui veulent transformer la France".

Et le locataire de la Place Beauvau d'appeler à "libérer" les ronds-points. "La nuit dernière, une huitième personne est décédée du fait de ce conflit. Les ronds-points doivent etre libérés et la securité de tous redevenir la règle", a-t-il exhorté, au lendemain de la mort d'un automobiliste, pércuté par un camion arrêté par un barrage des "gilets jaunes", à la frontière belge.

Le mouvement divisé avant un éventuel "acte 6"

Dans les rangs des manifestants, certains ont néanmoins appelé à continuer les blocages. À Nice, où ils n'étaient que 500, quand ils se revendiquaient 2.600 la semaine dernière, l'un d'eux prédisait déjà au micro d'Europe 1 un début d'année "fumant" : "C'est normal, on a un petit passage à vide, on arrive à la veille de Noël, mais vous verrez janvier, ça va être fumant, car les gens vont se réveiller après les fêtes. Ils vont comprendre quand ils vont avoir tout à payer". 

À Paris, David, venu du Nord, laissait même un message aux policiers en partant. "Je leur ai juste dit bon courage, qu'ils se reposent bien parce qu'on sera là pour l'acte 6 samedi prochain. Même s'il faut passer Noël et Nouvel An, je les sacrifierai pour ma cause", affirmait-t-il sur Europe 1.

Sous une pluie battante, un autre "gilet jaune" venu de Maubeuge, était lui plus fataliste : "Vous reviendrez samedi prochain ?" "Non, on est déjà venu quatre fois, c'est bon là".