Vladimir Poutine a annoncé que la Russie avait développé le "premier" vaccin contre le virus. 1:15
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Elena Volochine, avec Antoine Terrel et AFP , modifié à
Le président russe Vladimir Poutine a annoncé mardi que la Russie avait développé le "premier" vaccin contre le coronavirus. Sa mise en circulation dans la population est attendue en janvier 2021. Mais l'Organisation mondiale de la Santé reste prudente, tandis que la course au vaccin se poursuit.
DÉCRYPTAGE

L'information agite d'ores et déjà le monde de la recherche, et soulève à la fois espoir et scepticisme, à l'heure où le monde, et notamment l'Europe, craignent une deuxième vague de l'épidémie de coronavirus. Mardi, le président russe Vladimir Poutine a annoncé que la Russie avait développé le "premier" vaccin contre le virus, assurant qu'il donnait une "immunité durable". Mais l'Organisation mondiale de la Santé s'est montré très prudente après cette annonce, alors que la course au vaccin suit son cours dans plusieurs pays. Europe 1 fait le point sur la situation. 

1. Qu'a annoncé Vladimir Poutine ?

Le président russe assure que son pays a développé le "premier" vaccin contre le coronavirus. "Je sais qu'il est assez efficace, qu'il donne une immunité durable", a-t-il ajouté. Pour renforcer son propos, il a même affirmé qu'une de ses filles s'était fait inoculer le vaccin. "Elle a participé à l'expérience", a-t-il indiqué, affirmant qu'elle avait eu un peu de température après les deux inoculations, "et c'est tout".

2. Que sait-on de ce vaccin ?

Le vaccin a été développé par le Centre de recherches en épidémiologie et microbiologie Nikolaï Gamaleïa, avec le ministère russe de la Défense. De son côté, le ministère de la Santé a affirmé que la double inoculation "permettait de former une immunité longue", estimant qu'elle pouvait durer "deux ans". Mikhaïl Mourachko, le ministre de la Santé, a enfin indiqué que "des essais cliniques sur plusieurs milliers de personnes allaient continuer".

L'une des premières conséquences de cette découverte devrait être la vaccination des personnels médicaux. La vice-Premier ministre en charge des questions de Santé, Tatiana Golikova, a dit espérer la commencer dans les semaines à venir. "Nous espérons vraiment que septembre, ou même fin août-début septembre, le vaccin soit produit et la première catégorie à être vaccinée sera le personnel médical", a-t-elle dit selon les agences russes. Les enseignants devraient également être parmi les premiers vaccinés. Selon le registre national des médicaments du ministère de la Santé, consulté par les agences de presse russes, le vaccin sera mis en circulation le 1er janvier 2021 dans la population. 

Ce vaccin est à vecteur viral, c'est-à-dire qu'il utilise comme support un autre virus qui a été transformé et adapté pour combattre le Covid-19. Il utilise l'adénovirus, une technologie également choisie par l'université d'Oxford. Par ailleurs, un deuxième vaccin est en cours de conception au Centre étatique de recherches Vektor (en Sibérie) et fait également l'objet d'essais cliniques qui doivent être achevés en septembre.

3. Quand va commencer la production industrielle ?

Le fonds souverain impliqué dans son développement a indiqué que le vaccin avait été été baptisé "Spoutnik V" , en référence au satellite soviétique, premier engin spatial mis en orbite. Kirill Dmitriev, le patron de ce fonds, a également assuré que "plus d'un milliard de doses" avaient été pré-commandées par 20 pays étrangers, et que la phase 3 des essais commençait mercredi. S'il n'a pas précisé la liste des États, Kirill Dmitriev a cité "l'intérêt" des Émirats Arabes Unis, de l'Arabie Saoudite, de l'Indonésie, des Philippines, du Brésil ou encore de l'Inde.

Le début de la production industrielle est lui prévu en septembre. Selon le fonds, la Russie est prête à produire 500 millions de doses par an dans cinq pays. 

4. Quelles sont les réactions internationales ?

Réagissant à l'annonce de Vladimir Poutine, l'OMS s'est montrée prudente, rappelant que la "pré-qualification" et l'homologation d'un vaccin passaient par des procédures "rigoureuses". "Nous sommes en étroit contact avec les Russes et les discussions se poursuivent. La préqualification de tout vaccin passe par des procédés rigoureux", a pointé Tarik Jasarevic, le porte-parole de l'OMS, lors d'une visio-conférence de presse.  "La pré-qualification comprend l'examen et l'évaluation de toutes les données de sécurité et d'efficacité requises recueillies lors d'essais cliniques", a-t-il rappelé, soulignant que le processus serait le même pour tout candidat vaccin.

En sus des validations accordées dans chaque pays par les agences nationales, "l'OMS a mis en place un processus de pré-qualification pour les vaccins mais aussi pour les médicaments. Les fabricants demandent la pré-qualification de l'OMS car c'est une sorte de gage de qualité", a-t-il insisté. Or, jusqu'ici, la Russie n'a pas publié d'étude détaillée des résultats de ses essais permettant d'établir l'efficacité des produits qu'elle dit avoir développés.

Les autorités allemandes se sont elles aussi montrées sceptiques. Berlin émet en effet des doutes sur "la qualité, l'efficacité et la sécurité" du vaccin russe. "Il n'y a pas de données connues concernant la qualité, l'efficacité et la sécurité du vaccin russe", a déclaré une porte-parole du ministère de la Santé au groupe de presse régional allemand RND, rappelant qu'au sein de l'Union européenne, "la sécurité des patients est la première des priorités".

En Russie, une partie de la communauté scientifique prend également ses distances avec l'annonce du président. L'Association russe des organisations responsables des essais cliniques estime qu'aucune donnée scientifique ne confirme à ce stade l'absence d'effets secondaires de ce vaccin, notamment chez les personnes immunodéficientes ou souffrant de maladies chroniques.   

5. Où en sont les autres pays ?

Selon l'OMS, 26 candidats vaccins sont au stade des essais cliniques (testés chez l'être humain) à travers le monde et 139 au stade de l'évaluation pré-clinique. Parmi les 26, six avaient atteint fin juillet la phase 3 de leur développement. Celui qui est développé par le centre russe Gamaleïa était listé en phase 1.

De son côté, l'Indonésie a commencé mardi à tester sur 1.600 volontaires un autre vaccin, déjà en phase 3. Le candidat vaccin chinois, mis au point par le laboratoire Sinovac Biotech, appelé Coronavac, fait partie des rares vaccins à être dans cette phase, la dernière étape des essais cliniques avant l'homologation. Ce vaccin est déjà actuellement testé sur 9.000 volontaires au Brésil.