Coronavirus : sept questions sur la mise en oeuvre de la vaccination en France

La vaccination en France commencera en janvier pour les personnes les plus à risque, de manière non obligatoire.
La vaccination en France commencera en janvier pour les personnes les plus à risque, de manière non obligatoire. © AFP
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Frédéric Taddeï, édité par Séverine Mermilliod , modifié à
Le plan de vaccination contre le SARS-Cov-2 en France a été dévoilé cette semaine par Jean Castex. Elisabeth Bouvet, présidente de la Commission technique des vaccinations de la Haute Autorité de santé, a répondu au micro d'Europe 1 aux nombreuses questions que pose la mise en œuvre de cette vaste campagne.
INTERVIEW

Le plan de vaccination contre le coronavirus SARS-Cov-2 en France a été dévoilé cette semaine par le premier ministre Jean Castex. La campagne commencera en janvier pour un million de personnes, essentiellement dans les Ehpad, puis en mars, pour 14 millions d'autres personnes (plus de 75 ans, ceux qui ont des pathologies chroniques, le personnel de santé de plus de 50 ans). Pour le reste de la population, ce sera après fin mars, début avril. Alors que la France a commandé 200 millions de doses de vaccins - de quoi vacciner 100 millions de personnes - Elisabeth Bouvet, présidente de la Commission technique des vaccinations de la Haute Autorité de santé, chargée d'établir des recommandations pour le gouvernement, répond aux questions que l'on se pose sur la mise en œuvre de cette vaccination non-obligatoire en France.

Pourquoi commencer en janvier alors que les Britanniques commencent à se faire vacciner la semaine prochaine.?

"Je pense que c'est déjà extrêmement rapide. Ce qui nous a surpris, c'est plutôt que les Anglais vaccinent déjà la semaine prochaine. Nous, nous devons attendre l'avis de la Commission européenne qui rend l'avis sur les vaccins. C'est une commission qui donnera son approbation à un ou plusieurs vaccins, au mieux la semaine prochaine. On ne peut pas faire plus vite que cela. Je ne pense pas que démarrer en décembre ou en janvier change grand-chose".

En sait-on assez sur chacun de ces vaccins pour dire qu'ils sont sûrs et efficaces ?

"N'ayant pas encore en France d'autorisation de mise sur le marché pour ces vaccins, je ne peux pas me prononcer là-dessus, dans la mesure aussi où la Commission technique des vaccinations devra rendre un avis sur ces vaccins. Mais on sait que si ces vaccins ont atteint un stade où le dossier est déposé aux autorités compétentes, c'est que vraisemblablement, ils ont des garanties en termes d'efficacité et de sécurité".

Ces vaccins empêcheraient de tomber malade; mais empêchent-ils de transmettre le virus ?

"Savoir si ces vaccins sont susceptibles d'empêcher complètement l'infection est une des questions qui restent importantes et à laquelle il faudra qu'on ait des réponses pour aller plus loin. On sait qu'ils empêchent les formes symptomatiques et les formes graves. Mais on ne sait pas s'ils empêchent aussi des formes asymptomatiques, ou s'ils ne transforment pas les formes graves en formes asymptomatiques, ce qui voudrait dire que les personnes peuvent éventuellement continuer d'être infectées et transmettre. Cette information sur la transmission, on ne l'a pas encore. Je pense qu'on l'aura d'ici quelques semaines parce que ça demande des études un peu différentes pour le savoir. Bien évidemment, c'est très, très important pour la suite de la campagne."

Comment a-t-on fait pour trouver aussi vite un vaccin, alors que le VIH n'en a toujours pas après 37 ans ?

"D'une part, nous-mêmes avons été étonnés de cette rapidité : la capacité des chercheurs d'abord, puis de l'industrie ensuite, à aboutir à des vaccins et qui paraissent comme ça efficaces, c'est absolument extraordinaire. On a utilisé des nouvelles plateformes, dites ARN, mais qui sont à l'étude depuis plus de dix ans. On est capable de faire produire à l'intérieur de la personne vaccinée la protéine contre laquelle elle va s'immuniser. En termes de recherche, c'est l'aboutissement de nombreuses années d'études pour faire des médicaments ou des vaccins à base d'ARN messager. C'est une chose qui finalement arrive à point nommé. L'intérêt supplémentaire, c'est que fabriquer de l'ARN messager est relativement facile. Une fois qu'on possède exactement la séquence de molécules à produire, on peut imaginer fabriquer des quantités extrêmement importantes de vaccins en un temps très court.

D'autre part, le sida est un problème vraiment particulier. Le virus du VIH rentre à l'intérieur des cellules et il y reste de façon chronique, ce qui soulève une question très difficile en termes d'immunité, d'autant plus que ce sont les cellules immunitaires qui sont attaquées. Ce sont des cellules qui ont des durées de vie très longues et donc la problématique du sida est vraiment tout à fait à part. En revanche, les maladies infectieuses aiguës comme le Covid, le virus arrive, infecte un certain nombre de cellules et il disparaît. Dans ces cas-là, on n'est pas étonné qu'on puisse arriver à trouver un vaccin."

Comment les vaccins vont-ils être acheminés ?

"Certains vaccins vont venir effectivement des États-Unis, d'autres seront produits en Europe et peut-être même certains en France. Je pense que cette importation, l'arrivée des doses de vaccin, ne pose pas de problème. C'est plus la conservation et la logistique autour de l'utilisation des vaccins qui va nécessiter vraiment une chaîne bien organisée pour que ça soit fait rapidement et que les vaccins soient rapidement utilisés et préparés."

Hôpitaux, casernes... où va se dérouler la vaccination ?

"Nous (la Commission technique des vaccinations de la HAS) donnons un avis général. La première phase va se passer plutôt des structures où les gens sont regroupés, comme les EHPAD. Donc, ça facilite la fabrication et l'administration d'un nombre relativement important de personnes en un même lieu.

Après, ça devient plus compliqué. Tout va dépendre du type de vaccin qu'on a : il est probable que les vaccins qui viendront après le premier vaccin utilisé soient des vaccins qu'il sera plus facile de transporter et qui n'auront pas les mêmes contraintes en termes de conservation. Donc ce sera sera beaucoup plus facile.

Notre idée à la Haute Autorité de santé était que le processus soit relativement souple et qu'il y ait plusieurs modalités de vaccination : dans les premières séquences de la vaccination, il va s'agir de vacciner des gens âgés, fragiles, souvent à domicile. Il faudra donc développer des moyens pour vacciner à domicile. Les médecins, certes, mais aussi les infirmières, et pourquoi pas aussi au plus près des personnes, ne pas compter un peu sur les pharmaciens. [...] Enfin, il y a déjà des centres de vaccination. Ce que nous avons suggéré à la Haute Autorité de santé, c'est d'utiliser déjà les structures existantes pour vacciner et renforcer les personnels pour vacciner sur ces lieux, plutôt que d'aller créer de nouveaux lieux où l'on n'a pas l'habitude d'aller, qui ne sont pas faits pour ça et qui vont compliquer encore l'organisation".

En France, moins de la moitié de la population est prête à se faire vacciner. Cela peut-il poser problème ?

"Ce sont des intentions, elles ne sont pas confirmées dans les faits. Pour l'instant, on va voir comment les gens réagissent. Pour que cette adhésion augmente, c'est une première phase pour montrer que ça se passe bien et qu'on est parfaitement transparent sur la façon dont ça se déroule. Ce qui me paraît aussi très important pour augmenter l'adhésion, c'est que les professionnels de santé, notamment les médecins, soient vraiment très impliqués et promoteurs de la vaccination. On compte beaucoup sur eux pour convaincre et s'adresser aux patients qu'ils suivent. [...] Je pense que les choses vont évoluer. On va vacciner en priorité les personnes à risque qui sont elles mêmes demandeuses de vaccination, et dans un deuxième temps, je pense que le rôle des professionnels de santé et l'information qui sera donnée sur la première phase devrait permettre d'augmenter, j'espère, l'adhésion de la population."