Jean-Louis Debré était l'invité du Grand Rendez-vous ce dimanche. 4:24
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Romain Rouillard , modifié à
Invité du "Grand Rendez-vous" Europe 1/ CNews et "Les Échos" ce dimanche, Jean-Louis Debré, ancien ministre de l'Intérieur de Jacques Chirac, a jugé avec sévérité le "sentiment de supériorité" du parti présidentiel alors que la tension sociale liée à l'adoption de la réforme des retraites peine à retomber.
INTERVIEW

Jean-Louis Debré ne mâche pas ses mots. L'ancien ministre de l'Intérieur sous Jacques Chirac, également passé par la présidence de l'Assemblée nationale et du Conseil constitutionnel, était l'invité du Grand Rendez-vous ce dimanche. Au moment d'évoquer les crispations sociales nées de l'adoption de la réforme des retraites, il a regretté une forme de déconnexion du pouvoir en place vis-à-vis du peuple. Au micro de Sonia Mabrouk, Mathieu Bock-Côté et Stéphane Dupont, Jean-Louis Debré a dénoncé le passage "au forceps" du texte controversé tout en estimant que les hommes et femmes politiques, de façon générale, avaient "perdu le sens du peuple".

Un "sentiment de supériorité" 

Dans le viseur de l'ancien député, l'utilisation de l'article 47-1, alinéa 2 de la Constitution permettant d'accélérer les débats au Parlement en fixant un délai raccourci pour examiner l'ensemble du projet de loi. "Quand on est au pouvoir, on fait en sorte de ne pas brusquer les choses. Je suis désolé, on n'est pas à huit jours près", a-t-il lancé avant d'identifier les raisons qui ont, selon lui, entraîné l'exécutif vers une adoption hâtive de la réforme des retraites. "On pensait, dans une analyse qui n'est pas bonne, que tout cela (la contestation, ndlr) allait se calmer". Un défaut d'appréciation que Jean-Louis Debré associe à un manque de proximité entre la macronie et le peuple français.

"Moi, ce qui me frappe beaucoup, c'est que depuis six ans, le parti du président de la République, Renaissance, ne s'est pas implanté dans les territoires. Il n'existe pas", a asséné l'ancien député. Et de poursuivre en précisant sa pensée : "Ceux qui sont là, ce sont des gens qui n'ont aucun contact avec l'opinion publique, aucun contact avec le peuple et qui ont été élus sur une vague". Jean-Louis Debré a également fustigé le "sentiment de supériorité" qui gagnerait les rangs du parti présidentiel. "Et moi je trouve qu'ils ne savent rien, qu'ils ne connaissent pas la vie", a-t-il jugé. 

"Les Français ont le sentiment que le président de la République ne les écoute pas"

Il y a trois semaines, un dernier sondage Ifop pour le JDD, révélant la faible côte de popularité d'Emmanuel Macron (28%) a soulevé la question de la légitimité du président de la République, attaqué de toute part depuis les prémisses de ce débat sur les retraites. "D'un point de vue institutionnel, il a été élu, il a la légitimité. Mais aujourd'hui, il y a une deuxième légitimité, en dehors de la légitimité démocratique : c'est le dialogue avec le peuple. Or aujourd'hui, les Français ont le sentiment que le président de la République ne les écoute pas", analyse Jean-Louis Debré.

Selon lui, il serait souhaitable de "voir régulièrement les différentes organisations professionnelles et syndicales" afin de "construire" avec elles "un certain nombre de réformes". "Et puis il faut demander à chacun de ces députés qui sont hors-sol d'être dans leur circonscription", a-t-il exhorté. Quant aux fameuses conventions citoyennes qui ont le vent en poupe ces derniers mois, à l'image de celles sur le climat ou la fin de vie, Jean-Louis Debré a appelé à la méfiance devant ces initiatives qui se déroulent en dehors du cadre parlementaire. "On veut passer derrière les représentants du peuple. Or attention à ne pas jouer le peuple contre ses représentants ! S'il y a un endroit où on peut délibérer de tout, c'est à l'Assemblée nationale ou au Sénat", a-t-il insisté.