Municipales 2020 : six questions sur le second tour

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Ugo Pascolo , modifié à
Mesures sanitaires, villes stratégiques, nouvel équilibre politique... À moins d'une semaine du second tour des municipales 2020, Europe 1 fait le point sur les particularités de ce scrutin important perturbé par la crise du coronavirus. 
DÉCRYPTAGE

Plus d'un mois après la date initialement prévue, il aura bien lieu. C'est ce dimanche 28 juin que se joue le second tour des élections municipales pour environ 15% des communes françaises. Un scrutin dont les enjeux sont importants, notamment pour prendre le pouls de la présidentielle de 2022, mais qui est forcément perturbé par la crise sanitaire du coronavirus. À moins d'une semaine de cette élection décisive, Europe 1 fait le point sur les conditions de vote, les précautions sanitaires, les villes stratégiques, et sur le nouvel équilibre politique qui pourrait se mettre en place.

Comment faire une procuration ?

Pour faire votre procuration d'ici le 28 juin les démarches restent globalement les mêmes. Mais, coronavirus oblige, des changements sont tout de même à signaler. Ainsi, le ministère de l'Intérieur indique sur son site qu'une "procuration initialement prévue pour la date du 22 mars est toujours valable pour le second tour". Une souplesse qui ne concerne cependant pas les procurations à l'année expirant avant le 28 juin, ni les procurations effectuées uniquement pour le premier tour du 14 mars dernier. 

Autre changement, il n'est désormais plus nécessaire de se rendre au tribunal judiciaire ou de proximité, au commissariat de police ou bien à la gendarmerie pour faire votre procuration. Sur votre demande (courrier, mail ou téléphone), un officier de police judiciaire peut se rendre directement à votre domicile si vous êtes dans l'incapacité de vous déplacer "pour infirmité, maladie ou en raison de l’épidémie de Covid‑19". Une possibilité ouverte uniquement dans le cadre de ce second tour. 

Enfin, un électeur peut être mandataire de deux personnes, contre une habituellement. Une mesure qui ne concerne que ce vote.  

Quelles mesures sanitaires pour le vote ?

Comme le 14 mars dernier pour le premier tour, ce scrutin aura des dispositions sanitaires particulières pour "préserver la santé des électeurs, des candidats et des membres du bureau de vote", indique service-public.fr. Et la première d'entre elles est le port du masque obligatoire pour tous les électeurs et les membres des bureaux de vote. Toutefois, pour contrôler l'identité d'un votant il pourra lui être demandé de le retirer momentanément. 

Les bureaux de vote seront disposés de manière à respecter la distanciation physique (un mètre de distance), tandis que du gel hydroalcoolique (ou un point d'eau avec du savon) sera à la disposition de tous. Le nombre de personnes simultanément présentes dans chaque bureau de vote sera également limité. Enfin, "une dérogation à l'obligation d'estampiller la carte électorale après la signature de la liste d'émargement" a été mise en place pour "éviter les contacts". 

Quid de l'abstention ? 

Reste à savoir si toutes ces mesures sanitaires seront suffisantes pour rassurer les Français et qu'ils se rendent dans les bureaux de vote. Après un premier tour des élections municipales marqué par une abstention record (55%) en raison du coronavirus, doit-on s'attendre à une réplique de ce phénomène au second tour ? C'est en tout cas ce que craint le politologue Pascal Perrineau, spécialiste de la sociologie électorale. 

Invité du journal de la mi-journée samedi sur Europe 1, il estime probable de voir se répéter ce scénario. "Certes, le Covid-19 est moins présent qu'à la mi-mars, mais on parle d'un virus qui continue à tourner, de clusters dans différentes régions. Parmi les gens qui disent qu'ils s'abstiendront, le premier motif avancé est la peur du virus." Toutefois, le politologue ne balaie pas "un petit sursaut de participation", l'enjeu du second tour étant "lourd, et très important". 

Combien de maires restent à élire ?

Lors du premier tour, les Français ont élu 30.125 maires. Le second tour ne se tient donc que dans 4.800 communes environ, soit 15% du total, dont une majorité densément peuplés. Selon Libération, il concerne 71,8% (107) communes de plus de 50.000 habitants, contre seulement 13,7% des municipalités comptant entre 1.000 et 3.500 habitants. Une tendance qui se confirme également avec les villes de plus de 100.000 habitants, puisque seulement 6 sur 53 se passent des urnes ce dimanche. 

Quels sont les points chauds du second tour ?

Logiquement, les points chauds de ce second tour sont donc les territoires les plus peuplés, ou ceux où la concurrence est la plus rude. C'est notamment le cas des trois plus grandes villes de France (Paris, Marseille et Lyon), où l'élection est organisée par secteurs. Il faudra donc huit scrutins pour Marseille, neuf pour Lyon, et 17 pour la capitale afin de former le conseil municipal qui élira le ou la maire.

À Paris, trois femmes se battent pour l'Hôtel de ville : Rachida Dati, Anne Hidalgo et Agnès Buzyn. Et selon notre sondage paru le 22 juin dernier, c'est la maire sortante qui remporterait la bataille. Les listes d'union de la gauche soutenues par Anne Hidalgo sont pour l'instant créditées de 45% des voix, soit 11 points d'avance devant Rachida Dati, créditée de 34%. Agnès Buzyn, elle, est largement distancée, passant sous les 20%.

À Marseille, l'ambiance de la campagne est tendue, plusieurs listes ayant fait état d'irrégularités et d'incidents au premier tour. Une dénonciation de "pratiques frauduleuses" visant la candidate LR Martine Vassal a notamment bouleversé la course à la succession de l'emblématique Jean-Claude Gaudin. D'après notre sondage publié le 19 juin dernier, le scrutin est serré mais la candidate de gauche Michèle Rubirola apparaît en tête des intentions de vote.

À Lyon, la situation est particulièrement complexe puisque ce sont deux élections qui se jouent : les municipales et les métropolitaines. Pour maximiser les chances de son candidat Yann Cucherat, Gérard Collomb a abandonné ses velléités sur la métropole au profit de LR, en échange d'un soutien tacite à l'ancien gymnaste adoubé par l'ancien ministre. Un accord qui passe mal pour les Verts lyonnais, en embuscade, qui espèrent bien transformer l'essai dans la "capitale des Gaules" après leur succès aux européennes de mai 2019 (13,5% des voix).

Mais d'autres villes sont également sous le feu des projecteurs. Au Havre par exemple, la bataille fait rage et Édouard Philippe a vu se constituer contre lui un front unifiant les gauches derrière le communiste Jean-Paul Lecoq. Cette alliance de circonstance tente d’ailleurs de nationaliser les enjeux du scrutin pour infliger une défaite à l'ancien maire et actuel Premier ministre qui était en tête du premier tour (43,6%)

Un peu plus au Nord, Martine Aubry se retrouve dans une situation difficile à Lilletalonnée de près par son adversaire des Verts, Stéphane Baly. Jamais depuis qu'elle dirige le beffroi nordiste la "dame des 35 heures" n'avait été en posture aussi délicate lors d'élections municipales. 

Quel équilibre politique ? 

Après les débâcles de la présidentielle et des européennes, où le parti n’a pas dépassé la barre des 6%, les municipales vont-elles signer un retour en grâce du PS et un tremplin en vue de 2022 ? "Non seulement on va conserver nos positions, mais on va aussi gagner des villes", affirme-t-on dans l'entourage du Premier secrétaire Olivier Faure. Dans le viseur du parti désormais installé à Ivry-sur-Seine, près de Paris, figurent plusieurs villes : Nancy, La Roche-sur-Yon et Bourges, notamment. Ils ont également rejoint des listes d'union de la gauche à Tours, Toulouse et même Marseille. 

De leur côté, les Verts sont en passe de franchir un pas historique en remportant plusieurs grandes villes, à en croire Yannick Jadot. Outre conserver Grenoble, ils pourraient l'emporter à Marseille, Toulouse, Tours, Metz ou Besançon, toujours selon l'eurodéputé EELV. Mais c'est bel et bien Lyon l'objectif principal de la campagne. "Si Lyon, berceau de la Macronie, devient une capitale verte, ça dit aussi que nationalement l'alternance est possible", a-t-il rappelé. 

En lice dans plus de 120 communes, le RN de Marine Le Pen compte bien tirer son épingle du jeu le 28 juin prochain. Le parti, qui compte actuellement huit maires sur l'ensemble du territoire, espère en effet conquérir de nouvelles communes, et lorgne particulièrement sur Perpignan, où Louis Aliot est arrivé en tête au premier tour avec 35% des voix. Il sera en duel face au maire sortant LR, soutenu par un front républicain pour le moins fissuré, puisque trois marcheurs ont annoncé qu’ils voteraient Louis Aliot. Le RN mise par ailleurs sur quelques victoires surprises : Vauvert dans le Gard, Moissac dans le Tarn-et-Garonne, ou Marles-les-Mines dans le Pas-de-Calais.

Tourcoing, le fief de Gérald Darmanin, étant acquis dès le premier tour, LREM cherche désormais à ne pas perdre la ville de cœur d'Édouard Philippe, Le Havre. Après une premier tour plutôt mauvais, le parti au pouvoir espère également avoir un maximum de conseillers dans les différentes communes à l'issue des premières municipales du parti. Pour ce faire, les "marcheurs" n'hésitent pas à nouer des alliances, notamment dans certaines grandes villes comme Strasbourg, Bordeaux ou Toulouse, mais également dans des territoires moins peuplés comme ou Aurillac ou Clermont-Ferrand. 

Des alliances se faisant souvent avec LR, qui veut remporter un maximum de villes, dont Paris, Marseille, Lyon, Bordeaux, Nice, Belfort ou encore Limoges.

De son côté, La France insoumise de Jean-Luc Mélenchon opte pour la stratégie de l'effacement en se fondant dans d'autres listes. Si le mouvement en soutient "550 sur l'ensemble du territoire", Manuel Bompard, membre du comité électoral de LFI et eurodéputé, assume des ambitions limitées auprès de L'Express. "On ne plante pas de drapeau pour laisser plus de place à l'engagement citoyen. Pour ces élections de proximité, nous avons souhaité laisser la parole aux citoyens et faire de LFI un outil, et pas une fin en soi".