Professeur décapité dans les Yvelines : ce que l'on sait

Conflans, Eragny
La victime est un enseignant d'un collège des Yvelines qui aurait montré les caricatures de Mahomet en classe. © ABDULMONAM EASSA / AFP
  • Copié
Gwladys Laffitte, Guillaume Biet et Hadrien Bect, avec Europe 1 et AFP , modifié à
Vendredi, dans l'après-midi, un enseignant du collège Bois d'Aulne de Conflans-Sainte-Honorine, dans les Yvelines, a été attaqué au couteau et décapité par un jeune homme de 18 ans, abattu par la police quelques rues plus loin. La victime, professeur d'histoire, avait montré à ses élèves des caricatures du prophète Mahomet au début du mois d'octobre.
L'ESSENTIEL

Un enseignant de 47 ans a été décapité vendredi à Conflans-Sainte-Honorine, dans les Yvelines, et son agresseur présumé tué par la police, dans la ville voisine d'Eragny, dans le Val-d'Oise, trois semaines après l'attaque au hachoir perpétrée par un jeune Pakistanais près des ex-locaux de Charlie Hebdo à Paris. La victime, Samuel Paty, est un professeur d'histoire-géographie du collège Bois d'Aulne de Conflans-Sainte-Honorine, dans les Yvelines. Il avait montré récemment à ses élèves des caricatures de Mahomet lors d'un cours sur la liberté d'expression. Dix personnes ont été placées en garde à vue.

Les principales informations à retenir

  • Un professeur a été décapité vendredi dans les Yvelines, il avait montré des caricatures de Mahomet à ses élèves
  • Son agresseur a été abattu par la police, il s'agit d'un homme de 18 ans né à Moscou, d'origine tchétchène
  • Le parquet anti-terroriste s'est saisi, Emmanuel Macron a qualifié cette attaque d'"attentat terroriste islamiste caractérisé" 
  • Dix personnes ont été placées en garde à vue
  • Un hommage national aura lieu mercredi

Que s'est-il passé ?

Un homme de 18 ans armé d'un couteau a été abattu vers 17 heures par la police à Eragny dans le Val d’Oise. L'homme, né à Moscou en 2002, est soupçonné d'avoir décapité un homme dont le corps a été retrouvé à quelques rues de là, devant le collège Bois d'Aulne de Conflans-Sainte-Honorine, dans les Yvelines, par les policiers municipaux. Ce sont ensuite les policiers de la Bac qui l’ont abattu quelques rues plus loin, après que l'assaillant a crié "Allah Akbar". Un périmètre de sécurité a été installé et le service de déminage appelé, en raison d'une suspicion de gilet explosif.

Que sait-on de la victime ?

Samuel Paty est un professeur d'histoire-géographie de 47 ans qui enseignait dans un collège de Conflans Sainte-Honorine, divorcé et père de famille. Lundi 5 octobre, en classe, il avait montré à ses élèves, lors d'un cours sur la liberté d'expression, les caricatures de Mahomet publiées par Charlie Hebdo. Il avait proposé auparavant aux élèves qui le souhaitaient de sortir de la classe. Son cours avait néanmoins suscité des remous et des réactions de parents d'élèves. Selon les premiers éléments de l'enquête, c'est en représailles que cet enseignant a été attaqué et décapité.

D'après le maire de la commune voisine d'Éragny, sur laquelle a été abattu le tueur, ce professeur "avait été menacé" après son cours sur la liberté d'expression. En effet, un père d'élève, dont la fille n'avait pourtant pas assisté au fameux cours, avait diffusé par la suite une vidéo dans laquelle il dénonçait l'enseignant. Il avait même publié son nom, et avait déposé plainte contre le professeur, qui avait répliqué en déposant à son tour une plainte, pour diffamation. 

Les anciens collègues de Samuel Paty décrivent un enseignant engagé et un homme de dialogue. Un professeur "profondément engagé dans la promotion des valeurs de la République" complète l’académie de Lyon, où il a fait ses études.

L’acte a-t-il été revendiqué ?

L’auteur est un jeune homme de 18 ans, né à Moscou. Il était inconnu des services de police, ses parents sont des réfugiés tchétchènes. Lui avait obtenu sa carte de séjour à sa majorité en mars dernier. Il n'était pas connu des services de renseignements. Il avait le statut de réfugié et habitait à Evreux (Eure).

Jean-François Ricard, le procureur du parquet national antiterroriste, a expliqué samedi que les enquêteurs avaient retrouvé dans son téléphone portable le texte de revendication envoyé sur Twitter. Ce texte avait été écrit à 12H17. Ils ont découvert aussi la photo de la tête de la victime envoyée à 16H57 sur Twitter. Cette photo était accompagnée d'un message adressé à Emmanuel Macron  "le dirigeant des infidèles", expliquant vouloir venger celui "qui a osé rabaisser Mouhammad".

L'assaillant était équipé de plusieurs armes : un couteau de type poignard, une arme de poing et plusieurs cartouches, et un couteau d’une longueur totale de 35 cm qu’il a utilisé contre le professeur. Il a porté de multiples coups à la victime, sur le corps avant de lui couper la tête. L’assaillant avait prémédité son acte et l’a assumé après coup. "L’auteur se trouvait devant le collège pendant l’après-midi et a sollicité des élèves afin de lui désigner la future victime", a détaillé Jean-François Ricard.

Un "attentat terroriste islamiste caractérisé" selon Macron

Arrivé sur place vendredi vers 21 heures, le président de la République Emmanuel Macron a pris la parole vers 22h30. Il a qualifié la décapitation de l'enseignant d'"attentat terroriste islamiste" et assuré les enseignants que la nation ferait bloc contre "l'obscurantisme" pour les "protéger et les défendre". 

"Tous et toutes nous ferons bloc. Ils ne passeront pas. L'obscurantisme et la violence qui l'accompagne ne gagneront pas. Ils ne nous diviseront pas. C'est ce qu'ils cherchent et nous devons nous tenir tous ensemble", a ajouté le chef de l'Etat, en affirmant que "la nation toute entière sera là à leurs côtés, aujourd'hui et demain pour les protéger et les défendre".

Un conseil de Défense restreint doit être organisé dimanche autour d'Emmanuel Macron.

Où en est l'enquête ?

Dix personnes ont été placées en garde à vue dans cette affaire. Quatre d'abord, dont une personne mineure, dès vendredi soir. Il s'agit d'individus issus de l'entourage familial de l'assaillant, selon les policiers. Samedi matin, cinq autres personnes ont été placées en garde à vue. Ces cinq nouvelles personnes ont été interpellées dans la nuit de vendredi à samedi. Parmi elles figurent deux parents d'élève du collège où travaillait la victime, notamment le père qui avait diffusé la vidéo dénonçant le professeur après son cours. Un autre homme, très impliqué dans la mouvance islamiste, a également été placé en garde à vue, tout comme sa compagne. Ils ont été interpellés à Evry. L'homme est connu des services de renseignement.

Des personnes de l'entourage non familial de l'assaillant font également partie des interpellés. La dixième personne a été placée en garde à vue, samedi soir.

Quelles réactions des autorités ?

La classe politique a largement réagi à cette attaque via les réseaux sociaux. Le leader de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, a par exemple dénoncé un "Ignoble crime", et la présidente de la région Île-de-France, Valérie Pécresse un "assassinat barbare". La présidente du Rassemblement national, Marine Le Pen, et le député LR Eric Ciotti ont tout deux évoqué une guerre contre l'islamisme.

À l'Assemblée nationale, dans une ambiance empreinte d'émotion, les députés se sont levés pour "saluer la mémoire" de l'enseignant décapité et dénoncer un "abominable attentat". Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, en déplacement au Maroc, est aussitôt rentré à Paris et a ouvert une cellule de crise "en lien avec le président de la République et le Premier ministre", a-t-il tweeté.

De son côté, le ministre de l'Éducation nationale a estimé que "C'est la République qui est attaquée". Quant à François Hollande, l'ancien président de la République a appelé à "l'unité" face "à la barbarie et à l'obscurantisme". "Avec l'assassinat effroyable d'un professeur, la République et son école sont à nouveau la cible du terrorisme islamiste. Plus que jamais, nous devons être unis face à la barbarie et à l'obscurantisme. Mes pensées vont à la famille de l'enseignant et à toute la communauté éducative."

Un hommage national lui sera rendu mercredi

L'Elysée a indiqué qu'un "hommage national" serait rendu mercredi à l'enseignant. Cet hommage est organisé en coordination avec la famille, a précisé l'Elysée. La forme que prendra cet hommage est en cours de discussion.

Mardi prochain, c’est l’Assemblée nationale qui rendra solennellement hommage à la victime. De son côté, le Parti socialiste a appelé vendredi à "une manifestation d’unité de la nation", quand le député Insoumis Alexis Corbière a évoqué une journée de deuil national. Son collègue Eric Coquerel propose de son côté "un rassemblement populaire", en rappel des manifestations de janvier 2015.

Une communauté enseignante "dévastée"

La communauté enseignante est "dévastée" a réagi de son côté au micro d'Europe 1 Jean-Rémi Girard, président du SNALC, un syndicat de professeurs. "C'est effrayant de se dire qu'au 21e siècle, un enseignant peut être décapité dans la rue pour avoir fait son travail, pour avoir essayé de développer l'esprit critique de ses élèves. C'est hallucinant." En expliquant la liberté de la presse et le droit de blasphémer, un élément de l'enseignement moral et civique qui sont au programme, ce professeur "a fait son job", ajoute-t-il.