Chaque matin, Hélène Jouan évoque un sujet précis de la vie politique.
Areva n’est plus : le groupe public s’est renommée hier Orano, afin de tourner la page de plusieurs années de difficultés industrielles et financières. Trouver un nouveau nom de baptême, une tentation récurrente qui traverse tous les partis politiques.
Changer de nom pour une entreprise ou un parti sert toujours à planquer un cadavre, au minimum à tenter d’effacer quelques turpitudes ou avanies. Souvenez-vous de l’UMP plombée par la guerre fratricide Copé-Fillon et l’affaire Bygmalion : ardoise magique, Nicolas Sarkozy a cru en 2015 que le nouveau nom de baptême "Les Républicains" le rendrait blanc comme neige aux yeux des électeurs. Raté.
Avant lui en 2002, Alain Juppé avait lui-aussi tenté une opération de sacrement, "La maison Bleue" en lieu et place de l’UMP déjà. Il trouvait ça "moderne", comme il y avait en Italie par exemple le parti de l’Olivier, les adhérents avaient jugé l’appellation "beatnik", il était revenu à la raison. Souvent, l’espoir est aussi de donner un nouvel élan à la formation concernée.
Réussi, quand en pleine dynamique de la présidentielle, Jean-Luc Mélenchon abandonne l’étiquette du Parti de Gauche et ses drapeaux rouges, pour fédérer de façon plus large avec sa France Insoumise et son nouvel emblème le symbole Phi. Résultat plus discutable quand la LCR, "la Ligue" comme on disait depuis les années 70 se transforme en NPA, Nouveau Parti Anticapitaliste. Depuis, on n’a plus beaucoup de nouvelles.
Aujourd’hui certains partis sont de nouveau soumis à la tentation.
Et rien d’étonnant à ce que ce ne soit pas ceux au mieux de leur forme. Au parti socialiste, c’est le candidat Stéphane le Foll qui cède à la tentation : pourquoi ne pas substituer "les socialistes" au "parti socialiste", "plus ouvert", juge-t-il, il pourrait ajouter un point d’exclamation, très à la mode en ce moment pour marquer l’injonction de la dynamique. Avant lui, Manuel Valls avait jugé "dépassé" le mot "socialiste". Finalement, il a échoué à changer de nom, et il est parti.
Mais c’est surtout évidemment au Front national que Marine le Pen en a fait un enjeu. C’est pour elle officiellement un marqueur de la refondation qu’elle entend imposer au vieux parti de son patriarche de père, c’est aussi une nécessité plaide-t-elle pour nouer des alliances avec des partenaires politiques, qui voient encore la marque FN comme un repoussoir. En réalité, c’est surtout un impératif personnel : changer de nom, c’est vouloir tourner la page de l’échec, faire oublier le plafond de verre auquel s’est heurté le FN à chaque élection, faire oublier surtout sa propre faillite lors de la dernière présidentielle. C’est son nom à elle que Marine le Pen voudrait pouvoir effacer. À défaut, elle s’attaque à sa marque, le rendant coupable aux yeux de tous, de ce dont elle est, elle, responsable.
Changer de nom pour quelques marques de lessive que ce soit, d’entreprises ou de partis politiques, c’est toujours l’espoir de faire tabula rasa du passé. Ça peut marcher, si le produit s’améliore, c’est voué à l’échec si le consommateur trouve la ficelle com’ un peu grosse.