Masse salariale élevée, avantages généreux... La Cour des comptes pointe la «situation financière critique» de France TV
Dans un rapport publié ce mardi matin, la Cour des comptes épingle la "situation financière critique" de France Télévisions qui "impose, sans délai, des réformes structurelles". L'instance pointe, pêle-mêle, un cadre social trop rigide, des avantages particulièrement généreux et une masse salariale hors de contrôle.
Les orages s'accumulent au-dessus de l'audiovisuel public. Secouée par l'affaire Legrand-Cohen, deux journalistes accusés de vouloir nuire à la campagne municipale de Rachida Dati, remettant ainsi en cause son impartialité, France Télévisions se retrouve désormais dans le viseur de la Cour des comptes. D'après un rapport, rendu public ce mardi matin, l'état des finances de l'entreprise a de quoi préoccuper, notamment un déficit de plus de 80 millions d'euros entre 2017 et 2024.
L'enquête évoque ainsi "une situation financière critique qui impose sans délai des réformes structurelles". "La dynamique des charges de personnel et de fonctionnement ainsi que le poids des investissements nécessaires notamment dans le numérique rendent aujourd'hui inéluctables" ces changements au sein du groupe dirigé par Delphine Ernotte Cunci qui a récemment qualifié CNews de "chaîne d'extrême droite".
Absence de polyvalence
Financée à 80% par de l'argent public à hauteur de 2,6 milliards d'euros l'an dernier, France Télévisions, qui emploie 9.000 salariés bénéficiant d'un cadre social "généreux" issu d'un accord collectif de 2013, fait face à "une trésorerie particulièrement dégradée" et a adopté, en 2025, un budget en déficit de 40 millions d'euros confirmant ainsi "l'impasse dans laquelle se trouve aujourd'hui la première entreprise de l'audiovisuel public".
Par ailleurs, les capitaux propres de France TV ont drastiquement baissé, passant ainsi de 294 à 179 millions d'euros et les prévisions pour 2025 ne sont guère réjouissante.
Comment la télévision publique tricolore en est-elle arrivée là ? D'abord, selon la Cour des comptes, en raison d'un cadre social trop rigide qui limite la polyvalence des salariés. Par exemple, le montage de sujets amenés à être diffusés dans les journaux télévisés est uniquement assuré par les monteurs alors que le journaliste rédacteur est lui-même formé à cette mission.
Un CSE royalement subventionné
Autre problème : la masse salariale décrite comme hors de contrôle à cause, notamment, de rémunérations "étonnantes" attribuées à certains collaborateurs au regard de leur charge réelle de travail. Et ce en dépit de la réduction des effectifs (plus de 1.000 postes supprimés entre 2017 et 2023). Le salaire brut moyen s'élève à plus de 6.000 euros par mois, contre 3.600 euros dans le privé.
"La rigidité de la structure salariale, fortement liée à l'ancienneté, certaines dispositions généreuses et les avantages en nature contribuent également aux surcoûts et alimentent l'accroissement de la masse salariale", peut-on lire.
Entre les indemnités de licenciements supérieurs aux droits communs et les frais émissions exorbitants en passant par des irrégularités comme des nuitées d'hôtel à des prix supérieurs au plafond autorisé, les privilèges sont multiples à France Télévisions.
Le comité d'entreprise est lui aussi évoqué dans le rapport pour ses avantages particulièrement généreux accordés aux salariés, mais aussi pour les subventions qui lui sont accordés. Le CSE est propriétaire de plusieurs résidences de vacances à Cannes et Trouville.
Véhicules de fonction et frais de taxis
Plus globalement, l'entreprise publique a recours à des dépenses pas toujours évidentes à justifier : utilisation massive des taxis (près de 4 millions d'euros en 2024), des cartes carburants à 120 litres par jour, mais aussi de véhicules de fonction, attribués à une cinquantaine de cadres de l'entreprise, mais dont l'utilité n'est pas toujours avérée.
"Une renégociation globale de l'accord collectif de 2013 est aujourd'hui inéluctable et urgente face à la situation financière critique de France Télévisions pour assurer sa pérennité", insiste la Cour des comptes qui vise également l'État qu'elle enjoint à agir avant le 31 décembre 2026, sans quoi, conformément au code de commerce, la société encourt la dissolution. Car selon l'instance dirigée par Pierre Moscovici, l'État a une part de responsabilité dans cette dérive et doit, de toute urgence, "fixer une trajectoire financière réaliste" à l'entreprise, ce qui jusqu'à présent n'était pas le cas.
De son côté, Delphine Ernotte indique que l'entreprise "souscrit à l'ensemble des recommandations formulées" et "travaille déjà à leur mise en oeuvre". Elle souligne par ailleurs des "efforts de gestion particulièrement significatifs" ayant conduit à "une réduction cumulée des charges d'exploitation" de 386 millions d'euros (constants) entre 2015 et 2024.
La patronne de France Télévisions avait, par ailleurs, dénoncé l'accord collectif de 2013, accusé d'être le responsable de la rigidité du cadre social de l'entreprise. Néanmoins, cela ne permettra pas de dégager, dans l'immédiat, des économies. Quant aux unités de compétences complémentaires (UCC), lancés par France TV pour faire évoluer les métiers, ils restent "coûteux et insuffisants pour répondre aux besoins de transformation de l'entreprise". Il faudra pourtant s'atteler à ces réformes structurelles pour que France Télévisions maintienne sa place dans le paysage audiovisuel et continue d'assurer sa mission de service public.