Déficit, demandeurs d'emplois : faut-il s'inquiéter des prévisions de l'Unédic ?

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Mathilde Durand
420.000 demandeurs d'emplois indemnisés supplémentaires, 670.000 emplois salariés détruits, un déficit de 18,7 milliards d'euros : les prévisions de l'Unédic, chargé du régime de l'assurance chômage, pour l'année 2020 sont inquiétantes. Bertrand Martinot, économiste à l'Institut Montaigne, les décrypte sur Europe 1.
DÉCRYPTAGE

L'Unédic, chargée du régime de l'assurance-chômage, a révélé mercredi ses prévisions pour l'année 2020, marquée par la crise sanitaire du Covid-19. Elle prévoit l'indemnisation de 420.000 demandeurs d'emploi supplémentaires fin 2020, en raison de la destruction de 670.000 emplois salariés. L'organisme devrait également faire face à un déficit inédit de 18,7 milliards d'euros, contre près de 9 milliards l'année précédente.

Des chiffres inquiétants, même s'ils sont plus optimistes que les premiers révélés qui prévoyaient la destruction de 900.000 emplois salariés. Economiste à l'Institut Montaigne et spécialiste du marché du travail, Bertrand Martinot décrypte ces prévisions sur Europe 1. 

670.000 emplois salariés détruits

Ce chiffre est une prévision, rappelle Bertrand Martinot, d'ailleurs plus optimiste que celle de l'Insee. "L'Insee est déjà plus pessimiste sur l'année 2020, puisqu'elle est déjà à 728.000 destructions d'emplois car l'Insee, après un fort rebond de l'emploi au troisième trimestre, anticipe une nouvelle dégradation de l'emploi à la fin de l'année, au quatrième trimestre 2020", explique-t-il. 

L'impact de la réforme de l'assurance-chômage 

Pour une compréhension globale des chiffres, il convient de rappeler que tous les demandeurs d'emplois ne sont pas indemnisés par l'assurance-chômage. "C'est à peu près moins de la moitié", souligne Bertrand Martinot. Autre facteur : la réforme de l'assurance chômage, souhaitée par le gouvernement mais reportée en raison de l'épidémie de Covid-19. Dans ses prévisions, l'Unédic a anticipé une entrée en vigueur de la réforme au 1er janvier 2021.

"En termes financiers, les prévisions sont relativement optimistes parce que cette réforme, qui restreint les droits au chômage puisqu'elle restreint les conditions d'ouverture des droits. Si la réforme était appliquée au 1er janvier 2021, elle diminuerait le nombre de chômeurs indemnisés par rapport à ceux qui le seraient sans la réforme", analyse l'économiste.

Un déficit de 18,7 milliards pour l'Unédic

La structure en charge de l'assurance-chômage prévoit un déficit de 18,7 milliards d'euros, le double de l'année précédente (9,7 milliards). "Vous avez trois sources de creusement du déficit", décrypte Bertrand Martinot. "Vous avez une baisse des recettes, parce que vous avez une diminution de la masse salariale, donc des cotisations. Deuxième élément, c'est que vous avez une augmentation des chômeurs, dont des chômeurs indemnisés, donc vous avez plus d'allocations à payer et plus de dépenses." Ces deux facteurs entraînent "mécaniquement" un déficit de l'assurance-chômage, selon l'économiste. "Il est tout à fait normal qu'en période de crise grave le déficit de l'Unédic se creuse". 

"En revanche, vous avez pratiquement 60% du creusement du déficit qui est dû à un facteur totalement exceptionnel", assure l'économiste. "L'Unédic cofinance avec l'Etat, à hauteur d'un tiers, les allocations d'activité partielle, qui ont pris des proportions considérables au cours de l'année 2020 et qui vont continuer à peser en 2021." En juin, l'activité partielle concernait 13,3 millions de Français, soit la moitié des personnes ayant un emploi. Si le chiffre a diminué en août, il plafonnait encore à hauteur d'1,3 millions de personnes. 

Des prévisions réalistes ?

Si les prévisions de l'Unédic sont plutôt optimistes, estime Bertrand Martinot, l'avenir reste incertain en raison de la crise sanitaire. "Il y a quelques semaines, peut-être au moment où l'Unédic a fait ses prévisions, on n'avait pas l'impact du couvre-feu sur un certain nombre de secteurs économiques", rappelle-t-il, ajoutant que de nouvelles mesures plus coercitives pourraient encore être dans les tuyaux. 

Idem pour le nombre d'allocataires de l'assurance-chômage : il existe un décalage entre l'annonce de plans sociaux, par exemple, et les licenciements effectifs. "Les gens sont souvent pendant des mois dans des mécanismes de reconversion, qui parfois n'aboutissent pas. Et ils finissent par le chômage", analyse Bertrand Martinot. "Et puis il y a des secteurs entiers de l'économie où les entreprises sont en grande difficulté et vont avoir quand même du mal à repartir". D'après de nombreux prévisionnistes, le pic du chômage sera ainsi atteint en 2021.