Pourquoi la loi Duplomb est si importante pour les agriculteurs
La loi Duplomb, qui autorise le retour temporaire d’un pesticide controversé, cristallise les tensions entre agriculteurs et défenseurs de l’environnement. Alors que la pétition lancée contre le texte a franchi le cap inédit des 1,5 million de signatures, le gouvernement se dit prêt à en débattre à nouveau. En Alsace, une productrice de betteraves défend cette dérogation comme une question de survie économique.
La pétition contre la loi Duplomb a dépassé les 1,5 million de signatures. La pétition, lancée par une étudiante sur le site de l'Assemblée nationale, dénonce cette loi qui prévoit notamment la réintroduction à titre dérogatoire de l'acétamipride, pesticide de la famille des néonicotinoïdes - interdit en France depuis 2018 mais autorisé en Europe.
L'acétamipride est réclamé par les producteurs de betteraves et de noisettes, qui estiment n'avoir aucune alternative contre les ravageurs et subir une concurrence déloyale de leurs concurrents européens. A contrario, les apiculteurs mettent en garde contre "un tueur d'abeilles". Ses effets sur l'humain sont aussi source de préoccupations, même si les risques restent incertains, faute d'études d'ampleur. Europe 1 est allée à la rencontre de Johanna Trau, productrice de betteraves sucrières à Ebersheim en Alsace.
"C’est une concurrence déloyale"
"On est dans une de mes parcelles à betteraves et on commence à voir par-ci, par-là, des tâches rondes. Les feuilles commencent à jaunir et cela, effectivement, c’est de la jaunisse", affirme Johanna Trau. La jaunisse, transmise par un puceron, envahit peu à peu les 10 hectares de betteraves sucrières de l'agricultrice. Elle a pourtant pulvérisé trois fois d’autres insecticides mais seul l’acétamipride est réellement efficace.
"C’est là où la loi Duplomb peut nous aider à réutiliser un certain temps cet insecticide", juge-t-elle. Surtout que la France était le seul pays européen à avoir interdit ce produit. "C’est une concurrence déloyale. Si demain ce produit n’est [à nouveau] plus autorisé [en France], on n’aura peut-être plus de betteraves en France mais on aura toujours du sucre de betterave qui sera traité par des néonicotinoïdes mais d’autres pays de l’Europe", avance-t-elle au micro d'Europe 1.
L’usage de l’acétamipride doit toutefois rester mesuré et temporaire, assure Johanna Trau. "On a été formés pour utiliser ces produits au plus juste. On sait très bien qu’à l’avenir il faut trouver des solutions. Si demain, on n’a plus besoin [de l’acétamipride] parce qu’on a des variété [de betteraves] qui résistent bien à la jaunisse, on en sera ravis !", glisse-t-elle. Mais en attendant une alternative efficace, la céréalière est satisfaite de l’adoption de la loi Duplomb.
Le gouvernement s'est dit "disponible" pour un nouveau débat au Parlement
Devant la mobilisation citoyenne inédite contre la loi Duplomb, le gouvernement s'est dit "disponible" pour un nouveau débat au Parlement. La présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, s'est dit "favorable" à un débat sur le sujet, mais la loi Duplomb ne sera pas réexaminée et encore moins abrogée. Gabriel Attal, président du parti Renaissance, souhaite que le gouvernement saisisse l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) pour qu'elle donne son avis sur le texte.