Le principal suspect du procès suivra les plaidoiries des avocats en visioconférence. 1:30
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Justin Morin, édité par Jonathan Grelier avec AFP , modifié à
Suspendu depuis trois semaines, le procès historique des attentats de janvier 2015 doit reprendre lundi à Paris. Touché par le Covid-19, le principal suspect devrait suivre les plaidoiries des avocats en visioconférence, mais la plupart de ces derniers refusent que le procès se déroule dans ces conditions.

Le procès des attentats de janvier 2015 doit reprendre lundi à Paris. Ce procès historique est suspendu depuis trois semaines car le principal accusé est malade, positif au Covid-19. Le suspect n'est toujours pas en état de comparaître. C'est donc à distance, en visioconférence, qu'il va suivre les plaidoiries des avocats. Problème : les avocats, aussi bien du côté de la défense que des parties civiles, considèrent qu'il n'est pas concevable que le procès se déroule dans de telles conditions.

"Indigne de notre État de droit"

"Déshumanisation de la justice", "violation inique des droits fondamentaux", "disposition scélérate"... Ils sont unanimes ou presque et l'ont fait savoir dans une tribune publiée dans le journal Le Monde. Le principal accusé, qui risque la perpétuité, suivra donc les débats depuis sa cellule. "Contraindre un homme malade, qui risque des années de réclusion criminelle, à prononcer ses derniers mots seul face à un micro entre quatre murs est indigne de notre État de droit", épinglent les avocats dans leur tribune. Il est vrai que le recours à la visioconférence pour un accusé est inédit dans l'histoire judiciaire.

"Certains (de ces avocats, ndlr), je les ai appelés, je leur ai dit : 'Vous êtes bien gentils, mais qu'est-ce qu'il y a comme solution ? Qu'est-ce qu'il y a comme mesure que le ministre aurait pu prendre ?'", a répondu dimanche le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti sur BFMTV. "On attend que la justice tourne, il faut savoir ce qu'on veut. Les mêmes avocats qui disaient qu'il n'est pas possible que (la justice) s'arrête aujourd'hui me font un procès", a poursuivi le garde des Sceaux.

"C'est l'image de la justice que l'on veut avoir ?"

"Un procès d'assises n'est pas un film qu'on regarde à la télévision. Il faut pouvoir se défendre. Il faut pouvoir communiquer avec son avocat", ne décolère pas Daphné Pugliesi, l'avocate d'un des accusés, dimanche, au micro d'Europe 1. "Là, on est en train de nous dire que l'accusé principal a des vomissements et puis qu'il comparaîtra en visio avec la bassine à côté de lui... On va aller jusqu'où ? C'est l'image de la justice que l'on veut avoir ?"

La mesure sera sans aucun doute au cœur des débats lundi matin, lors de la reprise du procès. De nombreux recours devraient être déposés et la cour d'assises spéciale devra les étudier. La disposition autorisée par Eric Dupond-Moretti sera valable jusqu'au mois de mars prochain. Et au sein du monde judiciaire, nombreux sont ceux qui craignent que ce régime d'exception devienne la norme.

Mardi, le Conseil d'Etat examinera par ailleurs en urgence un recours contre l'ordonnance du ministre permettant le recours à la visioconférence, qui a également été critiquée par plusieurs syndicats de magistrats.