Le quatrième arbitre roumain Sebastian Coltescu est accusé d'avoir tenu des propos racistes. 1:42
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avec AFP
La rencontre entre le PSG et l’Istanbul Basaksehir a été arrêtée après des accusations de racisme contre le quatrième arbitre, mardi soir en Ligue des champions. Cette situation, inédite, a provoqué de vives réactions dans le monde entier.

Ce ne devait être qu’un match de la dernière journée de la phase de groupe de la Ligue des champions parmi tant d’autres. Mais mardi soir, PSG-Istanbul Basaksehir a largement dépassé le cadre du football. On jouait depuis moins d’un quart d’heure de jeu au Parc des Princes quand la rencontre a basculé. Alors que la tension est vive sur le terrain, l’arbitre expulse l’entraîneur adjoint d’Istanbul, Pierre Achille Webo.

C’est alors que le Camerounais s’emporte contre le quatrième arbitre et l’accuse de l’avoir traité de "negro". Après de longues discussions, les joueurs des deux vestiaires rentrent aux vestiaires et la rencontre est interrompue. Deux heures plus tard, aux alentours de 23h15, le match est finalement arrêté et reporté à mercredi 19h. Récit de cette triste soirée.

Un début de match tendu

Le match entre le Basaksehir, déjà éliminé, et le PSG, presque qualifié pour les huitièmes de finale, n’a débuté que depuis quelques minutes. Le score est toujours de 0-0 et il n'y a encore eu aucune occasion franche. Sur le terrain, l'ambiance est tendue. Neymar subit des fautes chaque fois qu'il a le ballon. Dans le premier quart d'heure de jeu, deux joueurs du Basaksehir, Mahmut Tekdemir (10e) puis Rafael (12e), sont sanctionnés d'un carton jaune.

"Shame on you !" ("C'est honteux !"), lance un défenseur du Basaksehir après une décision de l'arbitre, Ovidiu Hategan. Le Roumain, âgé de 40 ans, est un vieux routier de la Ligue des champions, où il arbitre depuis 2011, avec plus d'une trentaine de matches à son actif.

Pierre Achille Webo accuse l’arbitre de l’avoir traité de "negro"

Mais après un nouvel accrochage, cette fois impliquant le défenseur parisien Presnel Kimpembe, le ton monte sur le banc de touche du Basaksehir. Pierre Achille Webo, assistant camerounais de l'entraîneur turc Okan Buruk, conteste une décision de l'arbitre.

S'ensuit une discussion, en roumain, entre Ovidiu Hategan et le quatrième arbitre, Sebastian Coltescu, roumain lui aussi. L'arbitre inflige un carton rouge à Webo. Mais le Camerounais proteste en anglais, affirmant avoir entendu "negro", terme très imprégné de racisme en français et anglais, dans la bouche de Sebastian Coltescu. La tension monte et tandis que le chronomètre continue de tourner, les joueurs des deux équipes et le corps arbitral se réunissent au bord du terrain.

L’indignation de Demba Ba, l’arbitre assure avoir dit le mot noir en roumain

Selon des images télévisées, le Sénégalais du Basaksehir Demba Ba, remplaçant, proteste auprès du quatrième arbitre. "Vous ne dites jamais ‘ce Blanc’, vous dites ‘celui-là’, alors quand vous parlez d'un homme noir, pourquoi dites-vous ‘ce Noir’?", s'emporte-t-il.

Sebastian Coltescu rétorque en évoquant la langue roumaine, dans laquelle "negru" ("noir") n'a pas de connotation raciste. Selon des extraits de la conversation entre les deux arbitres diffusés à la télévision et traduits par un journaliste de l'AFP, le quatrième arbitre dit en roumain : "Le noir là-bas. Ce n'est pas possible. Allez vérifier qui c'est. Celui-là, le noir".

Les deux équipes retournent aux vestiaires

Au bout de cinq minutes de flottement, les joueurs du club turc décident de quitter la pelouse, suivis par ceux du PSG, sous quelques applaudissements du staff dans le Parc des Princes à huis clos.

"Le quatrième arbitre a dit ‘negro’ devant tout le monde ! Si le quatrième arbitre est écarté du terrain, alors nous reprendrons. Si le quatrième arbitre reste sur le terrain, alors Basaksehir ne reviendra pas", déclare le président du club Göksel Gümüsdag à la chaîne de télévision turque TRT Spor.

Erdogan et de nombreux joueurs s’indignent sur les réseaux sociaux

Rapidement, l'affaire s'emballe sur les réseaux sociaux, le Basaksehir tweetant le slogan de l'UEFA "No to racism/Respect", accompagné d'emojis représentant des poings levés, blanc et noir. Des joueurs de toute l'Europe embrayent en partageant ces poings : le Brésilien d'Everton Richarlison, puis les Turcs du Championnat de France Umut Bozok (Lorient) et Yusuf Yazici (Lille).

Puis l'affaire prend une tournure politique. Après plusieurs ministres, le président turc Recep Tayyip Erdogan, réputé très proche des dirigeants du Basaksehir, "condamne fermement les propos racistes tenus à l'encontre de Pierre Webo, membre du staff technique de Basaksehir". Sur Twitter, il se dit "convaincu que l'UEFA prendra les mesures qui s'imposent".

Les joueurs du PSG Presnel Kimpembe et Kylian Mbappé dénoncent eux aussi le racisme, le premier en partageant sur Instagram "No to racism", le second en affirmant "M. Webo nous sommes avec vous", accompagné d'un poing levé.

Presque deux heures d’interruption avant la décision d’arrêter le match

Pendant près de deux heures, l’UEFA ne communique pas sur la situation. Un horaire de reprise est d’abord fixé à 22 heures, selon les informations de RMC Sport. Mais les joueurs de Basaksehir refusent de reprendre la partie. Finalement, aux alentours de 23h15 la décision tombe : le match est arrêté et reprendra mercredi à 19h avec une nouvelle équipe d’arbitres. L’UEFA assure dans la foulée qu’une enquête "approfondie" va être menée.

Pendant ce temps, l’autre match du groupe voit le RB Leipzig battre Manchester United 3 à 2 et se qualifier pour les huitièmes de finale. Un résultat qui, du même coup, envoie également les Parisiens au prochain tour. Mais mardi soir, le sportif a été relégué au second plan.