La production de betterave sucrière est menacée par le puceron vert, qui véhicule le virus de la jaunisse et attaque les rendements. 1:34
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et Virginie Salmen, avec AFP , modifié à
Le gouvernement a ouvert la voie jeudi à un retour, sous forme de dérogation, de l'utilisation de néonicotinoïdes pour protéger les betteraves sucrières des pucerons verts. La filière, économiquement très importante, est en danger. Mais ces produits menacent sérieusement les abeilles, d'où leur interdiction en 2018.
INTERVIEW

Le gouvernement vole au secours de la betterave sucrière française. Alerté par les producteurs confrontés aux ravages des pucerons verts, qui véhiculent le virus de la jaunisse, le ministère de l'Agriculture a annoncé jeudi son intention d'obtenir "une modification législative cet automne" permettant de déroger à l'interdiction de certains néonicotinoïdes, au plus tard jusqu'en 2023. Ces insecticides ont été interdits de tout usage phytosanitaire en septembre 2018. Pour les producteurs de betterave, c'est une victoire qui permettra de sauver la filière. Mais pour les associations environnementales, c'est un pas en arrière regrettable.

Rendements en baisse de 30 à 40% et usines menacées

"C'est une satisfaction d'avoir été entendu par le gouvernement", se réjouit Guillaume Gandon, vice-président de la Confédération générale des planteurs de betterave (CGB), interrogé par Europe 1. "Ça sauvera la filière car aujourd'hui vous avez des champs qui sont en train de jaunir. La récolte de cette année est très affectée, en particulier au sud de Paris. On parle de rendements inférieurs de 30 à 40% par rapport à l'année dernière, ce qui représente près d'un million de tonnes de sucre en moins", précise-t-il. "Le risque c'est que, sans solution, les agriculteurs qui subissent cette situation se détournent de la betterave. Et derrière, il y a 21 usines menacées de fermeture."

Guillaume Gandon tient aussi à rassurer l'opinion publique sur l'usage qui sera fait des néonicotinoïdes autorisés à titre dérogatoire. Dans ce cas précis, il s'agit d'une "semence de betterave légèrement pelliculée d'une micro-dose d'insecticide". "C'est le même principe que pour les colliers anti-puce pour chien, avec le même produit. Le puceron pique la betterave, prend une petite dose d'insecticide et meurt. Mais on ne pulvérise pas d'insecticide dans les champs", explique le vice-président de la CGB.

"Un pas en arrière" pour les associations environnementales

Des arguments que réfutent les associations de défense de l'environnement. "Si on continue dans ce sens-là, on va vers des catastrophes. La population d'insectes diminue fortement et les abeilles particulièrement sont dans une situation très difficile. On est au bord du gouffre et on nous dit 'faites encore un pas en avant'. Ce n'est pas sérieux !", s'insurge au micro d'Europe 1 Jean-Claude Bévillard, secrétaire national "agriculture" de l'association France nature environnement (FNE).

"La France avait été exemplaire et là, on recule", a de son côté déploré, auprès de l'AFP, le président de Générations futures François Veillerette. "Nous ne pouvons accepter un retour en arrière", soutient également l'Union nationale des apiculteurs (Unaf). Autoriser les néonicotinoïdes serait "catastrophique pour la filière apicole et pour l'ensemble des insectes pollinisateurs déjà fortement fragilisés en France." "C'est comme le glyphosate. On l'interdit puis après on ajoute qu'il faudra prévoir des dérogations. Le gouvernement veut autoriser les néonicotinoïdes pour deux ans. Qui nous dit que dans deux ans il n'y a aura pas à nouveau une dérogation ?", désespère Jean-Claude Bévillard, de FNE. 

"On a bien conscience de la crainte des associations environnementales. Mais la betterave ne produit ni pollen ni fleur. On n'a aucune crainte quant à la pérennité des populations d'abeilles car elles ne viennent pas dans nos champs. Toute la filière s'engage à réaliser des suivis précis", répond Guillaume Gandon, de la Confédération générale des planteurs de betterave. "Quelque part, ces semences enrobées sont même meilleures pour l'environnement que ce que l'on fait aujourd'hui quand on utilise des substituts inefficaces des néonicotinoïdes."