Pour les acteurs rencontrés par l'Institut Montaigne,  l'Etat n'a pas assez considéré les acteurs locaux (photo d'illustration). 3:04
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Guilhem Dedoyard , modifié à
Un nouveau rapport de l'Institut Montaigne tire un premier bilan de la crise du coronavirus. Il souligne les ratés de la gestion de la crise sanitaire en France en raison d'une gestion trop verticale des difficultés. Les acteurs régionaux, se sentant parfois abandonnés ont dû trouver eux-mêmes des solutions. 
INTERVIEW

"C'est un Etat qui a beaucoup fait" mais de manière trop unilatérale pour gérer la crise du coronavirus. C'est le constat global de Nicolas Bauquet, historien et directeur des études de l’Institut Montaigne, invité de Patrick Cohen dans C'est arrivé cette semaine, samedi sur Europe 1. L’Institut a livré une première analyse de la gestion de la crise en France pendant les quatre mois de la crise sanitaire, de l’apparition des premiers cas domestiques, jusqu’à la mise en œuvre du déconfinement au mois de mai à travers des entretiens avec une quarantaine d'acteurs qui pointent majoritairement un manque de communication de la part de l'État.

Un manque d'information et de concertation

Les acteurs rencontrés reconnaissent à l'Etat ses actions pendant la crise, telle que la réorganisation de hôpitaux ou "un soutien économique rapide et fort". Mais le sentiment dominant est celui "de ne pas avoir été impliqués, de ne pas avoir aussi été assez informés et que la gestion des informations a été tournée vers l'Etat lui même et peu partagée avec les acteurs et les citoyens", selon Nicolas Bauquet. La critique porte notamment sur la circulation du virus. Les données n'étaient pas connues à tous les échelons, "soit parce qu'elles n'existaient pas, soit parce qu'elles n'étaient pas communiquées".

Concernant la gestion des masques, "l'État a fait le choix de reprendre en main, même de réquisitionner et on a vu que c’était une erreur. L'occasion qui semble avoir été perdue, c'est celle de nos entreprises dont le métier est d'aller acheter en Chine. Elles l'ont fait pour elles-mêmes, il y a eu de la solidarité, mais il n'y a pas eu d'effort concerté". Une situation qui contraste avec ce qui a pu être fait en Allemagne, où le gouvernement a notamment sollicité le groupe de chimie BASF, ou en République Tchèque où l'Etat à demandé "à chaque citoyen de sortir sa machine à coudre".

"On a vu les régions s'organiser entre elles"

L'autre reproche est celui d'une absence d'interlocuteurs. "On n'a pas permis aux acteurs locaux de prendre un certain nombre d'initiatives, d'avoir des marges de manœuvre, et d'agir. Il fallait à chaque moment remonter la cellule hiérarchique jusqu'aux différentes cellules de crise à Paris, avec le sentiment de ne pas avoir de décisionnaires" rapporte Nicolas Bauquet. "La région qui a été au front c'est le Grand Est. [Le président de la Région,]Jean Rottner a réagi très vite sur le front sanitaire, sur le soutien à l'économie. On a vu des régions proches de leur tissu économique, capables de lancer très vite des initiatives". Mais pour ce faire, "il a fallu tordre le bras à l'ARS, en appelant directement les Allemands et l’exécutif français". 

La crise a aussi été vectrice de dynamiques positives, estime le spécialiste. "On a vu les régions s'organiser entre elle. Les présidents de régions ont une réunion hebdomadaire, ce qui n'existait pas auparavant. ils partagent l'information, ils se coordonnent." Pendant la crise on a également vu émerger "un ministère de l'économie capable de travailler main dans la main avec les régions".

Néanmoins, pour Nicolas Bauquet, "il y a une vraie question sur l'organisation de l'Etat sur les territoires. L'Etat a changé, il s'appuie beaucoup sur un système d'agences, qui a ses vertus, mais qui, en période de crise, empêche la mise en place d'une chaîne hiérarchique courte, efficace, qui permet de partager l'information au niveau local". La mauvaise couleur de certaines régions sur la carte du ministère de la Santé en est un exemple.