L'adhésion au vaccin est en hausse depuis le début de la campagne de vaccination. 5:25
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Antoine Terrel
Solution étudiée pour permettre la réouverture des restaurants, cinémas, ou encore des musées, la mise en place d'un passeport vaccinal reste regardée avec méfiance par de très nombreux Français. Invitée jeudi d'Europe 1, la sociologue Marie Jauffret-Roustide décrypte les ressorts de cette hostilité. 
INTERVIEW

Est-ce une des solutions pour retrouver une vie la plus normale possible ? Après plus d'un an d'épidémie de coronavirus, les lieux culturels, les salles de sports, ainsi que les bars et restaurants demeurent fermés depuis de longs mois, et ne semblent pas près de recevoir à nouveau du public. Mais dans certains pays comme Israël, la mise en place d'un passeport vaccinal a permis à ses possesseurs de retrouver plus de libertés. Faut-il pour autant mettre en place un tel dispositif en France ? La population s'y montre en tout cas réticente, selon plusieurs enquêtes d'opinion, notamment à cause de la question sensibles des données personnelles. Marie Jauffret-Roustide, sociologue à l'Inserm, décrypte ce phénomène sur Europe 1. 

Pour la chercheuse, cette réticence française vis-à-vis du passeport vaccinal "est surtout liée au fait que l'accès aux vaccins n'est pas du tout le même en France et en Israël". Aussi, "parler de passeport vaccinal quand on a moins de 10% de la population qui est vaccinée reviendrait à introduire une inégalité très importante entre les Français sur la possibilité de retrouver une forme de vie d'avant, une forme de liberté". 

"L'opposition à l'obligation vaccinale n'est pas si importante"

Mais si la campagne de vaccination s'accélérait, "il est probable qu'on ait de plus en plus de Français qui soient favorables à ce type de passeport", indique Marie Jauffret-Roustide, rappelant que "l'adhésion vaccinale a augmenté depuis le début de la pandémie".

Faute de passeport vaccinal, la vaccination obligatoire pourrait-elle devenir une piste ? "En France, l'opposition à l'obligation vaccinale, en fait, n'est pas si importante", rappelle la sociologue. Selon une étude publiée avec Santé publique France, "elle concernait environ 7% des Français."

La gestion des données personnelles : "un des noeuds du problème"

"En France, il y a déjà des vaccins qui sont obligatoires, donc cette question de l'obligation vaccinale existe déjà", souligne encore Marie Jauffret-Roustide, pour qui les craintes actuelles sont surtout "liées au fait que le vaccin soit récent, mais aussi à cette situation d'incertitude dans laquelle on se trouve et qui fait que nos repères sont complètement bousculés". "On a des messages gouvernementaux qui changent en permanence. Au début de la pandémie, on nous explique que les masques ne servent à rien et tout d'un coup, on est dans l'obligation de tous mettre des masques parce que ça devient un outil de prévention très utile", dit-elle encore. 

Pour les Français opposés au passeport vaccinal, la question des données personnelles, des données de santé est également au coeur de leurs inquiétudes. "C'est un des nœuds du problème", confirme Marie Jauffret-Roustide. "C'est une question qui est effectivement essentielle, parce que ça veut dire que des opérateurs privés pourraient avoir accès à ces données. Donc si ce type de passeport se mettait en place, il faut avoir un certain nombre de certitudes sur la manière dont ces données seraient utilisées et surtout protégées."

"Réfléchir en termes de coût-efficacité et de coût-bénéfice"

Aussi, l'invité d'Europe 1 estime que "le passeport vert, qui inclurait à la fois des données de vaccination, des données de guérison ou des données sur des tests récents, semble beaucoup plus acceptable dans une période où les vaccins sont peu accessibles". Avant d'ajouter : "c'est le meilleur compromis acceptable dans une situation où les Français souffrent". 

Car, rappelle Marie Jauffret-Roustide, si les interrogations autour du passeport vaccinal sont légitimes, il reste important de réfléchir en terme de balance bénéfices-risques. "Dans une situation pandémique contrainte, on est toujours en train de réfléchir en termes de coût-efficacité et de coût-bénéfice. Qu'est-ce qui est le plus intéressant pour les individus dans une situation où nos libertés sont déjà restreintes ?", développe-t-elle. Et de conclure : "C'est tout le paradoxe. On est dans une situation où on a des libertés restreintes, et on nous propose un moyen de retrouver un peu de liberté, mais par une nouvelle forme de restriction, de liberté."