Les fêtes privées sont-elles vraiment interdites depuis le couvre-feu ?

Les fêtes privées cristallisent l'attention des forces de l'ordre dans le cadre de la lutte contre le coronavirus.
Les fêtes privées cristallisent l'attention des forces de l'ordre dans le cadre de la lutte contre le coronavirus. © Marion Gauthier/Europe 1
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Roland Perez
Avec le couvre-feu à 18h et la mise en place d'une attestation de sortie dérogatoire, les soirées privées entre amis sont théoriquement interdites. Mais un flou juridique demeure, comme l'explique l'avocat Roland Perez samedi sur Europe 1. 

Depuis le 16 janvier, le couvre-feu avancé a été généralisé pour lutter contre l'épidémie de coronavirus. Il faut désormais une attestation dérogatoire pour justifier tout déplacement entre 18h et 6h du matin. Avec ce système, les soirées privées entre amis, comme les dîners ou les apéros, sont théoriquement interdites. Mais un flou juridique demeure sur cette interdiction, comme l'a expliqué l'avocat Roland Perez, samedi sur Europe 1. 

Vers une annulation des verbalisations ? 

Des annulations de verbalisations vont sans doute pleuvoir car aucun texte légal précis n’interdit ces réunions privées. Et pour cause, le Conseil constitutionnel veille au respect de la vie privée, qui est une liberté fondamentale. Depuis le 15 décembre dernier, il y a eu plus de 170.000 amendes pour rassemblements festifs. A 135 euros l’amende, si elle est payée, cela ferait près de 23 millions d’euros pour les caisses de l’Etat, qui est bien décidé à s’attaquer au virus social des réunions festives. 

Mais entre 21h et 6h du matin, théoriquement les forces de l’ordre n’ont pas le droit de pénétrer dans un domicile privé sans y avoir été invitées ou pour des situations de terrorisme, de criminalité ou de violences avérées. Donc les PV qui auraient été dressés pour ces dîners clandestins pourraient être aisément annulés.

Des doutes sur la justification juridique

Le domicile est inviolable et reste donc privé, la loi d’urgence n’y a rien changé. Il faut donc recourir à des artifices juridiques pour pouvoir pénétrer dans un domicile privé et verbaliser, comme par exemple demander aux procureurs de délivrer des réquisitions sur le fondement "de la mise en danger délibérée de la vie d’autrui". Il s’agit en fait de faire peur aux habitants du logement contrôlé, lesquels laissent la police entrer et constater la tenue d’une fête privée.

Mais pour les fins juristes, cette suspicion de "mise en danger délibérée de la vie d'autrui" ne tient pas en droit, même si il est vrai que se rassembler sans masque et dans un lieu clos n’est pas idéal pour ne pas transmettre le Covid. D’ailleurs une note de la direction des affaires criminelles datée de mars 2020, et dont Le Monde a pris connaissance, recommande formellement d’écarter cette qualification, qui ne peut trouver application qu’en cas de risque immédiat de mort ou de blessures graves. 

L'état d'urgence n'interdit pas expressément les fêtes 

Tout à fait, les règles édictées durant l’état d’urgence ne l’interdisent pas expressément et précisément. Et si les forces de polices entrent dans un domicile sans y être invitées, elles commettent une violation de domicile sauf s’il s’agit de faire cesser un tapage nocturne. En fait on constate que la sécurité empiète sur les libertés et sur l’état de droit, il faut donc être vigilant.