Colère des policiers : le syndicat Alliance demande le "soutien inconditionnel" du gouvernement

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Mathilde Durand
Les propos d'Emmanuel Macron dans son interview au média en ligne Brut ont du mal à passer pour les forces de l'ordre. David-Olivier Reverdy, secrétaire National adjoint du syndicat Alliance pour la province dénonce sur Europe 1 le "croche-patte" du chef de l'Etat aux policiers et lance un appel au Premier ministre, Jean Castex. 
INTERVIEW

Le malaise monte au sein des forces de l'ordre. Respect du confinement, manifestations, accusations de violences policières : les fonctionnaires de police ne cachent plus leur colère. Notamment depuis l'interview du président de la République au média en ligne Brut. Emmanuel Macron avait reconnu qu'il existait "des violences par des policiers", préférant cette expression à celle de "violences policières". David-Olivier Reverdy, secrétaire National adjoint du syndicat Alliance pour la province, dénonce les propos du chef de l'Etat, se défend de racisme et demande "un soutien inconditionnel" du gouvernement. 

L'interview qui a mis le feu aux poudres

"On a eu un président de la République qui ne défend pas ceux qui protègent la République, ceux qui, il y a deux ans, l'ont protégé. Souvenez vous, l'Arc de triomphe pillé et les casseurs voulaient s'en prendre à l'Elysée. Tout le monde était bien content de trouver les forces de l'ordre, policiers et gendarmes, sur le chemin. Jamais un président n'aurait eu de tels propos, il y a deux ans. Sauf qu'aujourd'hui, les temps sont passés. Les manifestations sont virulentes, mais moins nombreuses. Et aujourd'hui, pour vouloir faire plaisir à une certaine partie de la jeunesse, il vient de faire un croche-patte aux 250.000 policiers et gendarmes qui composent ce pays", déplore le syndicaliste. 

Dans son interview pour Brut, Emmanuel Macron a répondu au sujet des reproches récurrents, faits aux forces de l'ordre. Notamment les contrôles au faciès et le racisme. Le syndicaliste s'en défend. "Les contrôles au faciès n'existent pas. Les policiers ne contrôlent pas par plaisir quelqu'un de couleur. On ne choisit pas sa délinquance, ça c'est très clair. Et faire croire aux gens que les policiers vont contrôler uniquement les délinquants de couleur, mais pas les délinquants d'une autre, en l'occurrence des Blancs, c'est totalement inacceptable et c'est méconnaître la réalité quotidienne des policiers qui, aujourd'hui, est un quotidien extrêmement difficile", assure David-Olivier Reverdy. 

Quant aux images du producteur de musique Michel Zecler, tabassé par plusieurs policiers à l'entrée de son studio d'enregistrement dans le 17e arrondissement, le policier comprend qu'elles aient pu choquer. Mais rappelle le droit à la présomption d'innocence. "Quand on prend des images uniquement sorties du contexte pour trois minutes… Oui, les images, on peut comprendre qu'elles soient choquantes. Nous, ce que l'on dit juste, c'est que les policiers ont droit à la présomption d'innocence, comme tout un chacun, et qu'aujourd'hui, la présomption de culpabilité dont a fait montre le président de la République est tout à fait inacceptable. Il les a jugés coupable avant même qu'il ne soit mis en garde à vue et que leur enquête commence", déplore David-Olivier Reverdy. 

Un appel à Jean Castex

Pour manifester leur colère, les forces de l'ordre multiplient les actions symboliques ces dernières semaines. En Isère, par exemple, près de 200 policiers ont déposé une demande de ruptures conventionnelles. Partout en France, des "non-contrôles" d'identité sont organisés pour expliquer aux citoyens que la police n'est pas raciste. Pour le secrétaire national adjoint du syndicat Alliance pour la province, toutes ces actions traduisent un "ras le bol" profond. "Cela fait de nombreux mois que la police est à bout parce qu'elle est suremployée, parce qu'on est sur les nerfs de tout ce qui peut se passer en France, de tout ce que le politique n'arrive pas à gérer, que ce soit sur des crises sociales, des crises économiques", explique-t-il. "C'est la police que l'on met au-devant parce que le politique n'arrive pas, par des décisions opportunes, à calmer la grogne de la société ou au moins une partie d'entre elle, face à une majorité silencieuse qui n'arrive pas à s'exprimer."

"C'est aussi symptomatique des policiers qui n'acceptent pas aujourd'hui d'être violentés, d'être stigmatisés par le président de la République. On a une devise nous, c'est payer pour servir. On n'est pas payé pour mourir", dénonce David-Olivier Reverdy. Il salue le soutien du ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, mais appelle désormais le Premier ministre Jean Castex à prendre position.

"La première des choses, monsieur le Premier ministre, c'est qu'on a besoin du soutien inconditionnel de votre part et de celui du président de la République. On a besoin également d'une véritable protection", lance-t-il. "Aujourd'hui, le policier n'est plus protégé. La justice ne protège plus ceux qui protègent la République. Et c'est à ce titre que le syndicat Alliance police nationale demande à ce qu'on puisse avoir un Observatoire de la réponse pénale, c'est-à-dire qu'on puisse savoir les peines encourues par le délinquant, les peines qui sont prononcées et les peines qui sont réellement effectuées. Parce qu'aujourd'hui, c'est tout à fait inacceptable que l'autorité soit à ce point bafoué et que l'Etat ait laissé nos collègues à la vindicte populaire en pâture parce que plus personne ne protège plus rien dans ce pays".