Pourquoi la sortie du confinement ne sera pas pour tout le monde en même temps

Le confinement est pour le moment prévu jusqu'au 15 avril.
Le confinement est pour le moment prévu jusqu'au 15 avril. © VALERY HACHE / AFP
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avec AFP , modifié à
Le Premier ministre Edouard Philippe a jugé "probable" que le déconfinement ne se fasse pas "en une fois, partout et pour tout le monde". Cette stratégie, qui devrait être élaborée dans les prochaines semaines, dépend de nombreux facteurs, dont la quantité de tests disponibles et l’évolution de la pandémie.
ANALYSE

La sortie du confinement n’est pas pour tout de suite. C’est en substance le message passé par Edouard Philippe, qui a jugé "probable" que le déconfinement ne se fasse pas "en une fois, partout et pour tout le monde" en France. "Nous avons demandé à plusieurs équipes de travailler sur cette question en étudiant l'opportunité, la faisabilité d'un déconfinement qui serait régionalisé, qui serait sujet à une politique de tests, en fonction, qui sait, de classes d'âge", a expliqué mercredi le Premier ministre, devant une mission d'information à l'Assemblée nationale.

Mais cette stratégie de sortie de crise, qui devrait prendre plusieurs semaines pour être élaborée, dépend de nombreux facteurs encore inconnus, comme l’évolution de la pandémie de coronavirus. Europe 1 vous explique pourquoi la sortie du confinement, pour l’heure prévu jusqu’au 15 avril, va être graduée dans le temps et dans l’espace.

La crainte d’une apparition de nouveaux foyers

Le confinement vise à lisser dans le temps le pic de l'épidémie et du nombre de malades hospitalisés. Mais les autorités craignent qu’une sortie de ces mesures n’entraîne l’apparition de nouveaux foyers épidémiques, notamment dans des régions moins touchées comme l’Ouest.

"La crainte est simple : une partie de la population n’aura pas encore eu la maladie. Pour la grippe, une fois que le pic est atteint, on a une décroissance rapide. Mais pour le coronavirus c’est un peu différent. On aura un pic, peut être d’ici à 8 jours, puis une phase de plateau avec des gens qui resteront malades. La crainte, c’est qu’une fois que les gens retourneront à la vie collective, d’autres foyers se mettent à flamber, notamment dans l’Ouest de la France", explique le docteur Jimmy Mohamed sur Europe 1.

"Les départs en vacances vont être une étape clé. Si les Parisiens décident d’aller dans les campagnes, notamment en Normandie, ils vont peut-être disséminer la maladie et provoquer une nouvelle flambée. Il y a plein de paramètres qu’on ne maîtrise pas", poursuit le médecin. Christophe Castaner a ainsi fermement rappelé aux Français l’interdiction de partir en vacances, à quelques jours du début des vacances scolaires de printemps. "Très concrètement, on ne part pas pendant la période de confinement", a déclaré sur LCI le ministre de l'Intérieur, qui a également annoncé un renforcement des contrôles routiers sur les grands axes, dans les gares et les aéroports.

Les tests, la clé d’une sortie de crise

Pour l’heure, le confinement est prévu pour durer jusqu’au 15 avril, mais il devrait selon toute vraisemblance être encore prolongé. "Si le pic de l’épidémie est atteint dans 10 jours, à cela il faudra rajouter les 14 jours d’incubation, ça nous amène d’emblée fin avril sans qu’on ait une bouffée d’oxygène. Le confinement va durer probablement jusqu’en mai, voire davantage", juge Jimmy Mohamed.

Mais la clé de la sortie du confinement repose sur les tests. En effet, un dépistage massif du coronavirus, sur une très grande partie de la population française, est nécessaire avant d’envisager toute levée de ces mesures, selon de nombreux médecins et scientifiques.

"La sérologie va être importante (les tests dits sérologiques sont ceux effectués par prélèvement sanguin, ndlr). Si vous êtes positif, vous n’êtes pas à risque d’attraper la maladie et de la transmettre." En effet, un test sérologique positif signifie que la personne a développé des anticorps contre le coronavirus, et est donc désormais immunisée. "On peut imaginer un dispositif de ‘laisser passer’ pour ces personnes, qui pourraient sortir et reprendre le travail", juge Jimmy Mohamed.

 

Problème : le nombre de tests disponibles (près de 30.000 par jour actuellement) est largement insuffisant pour le moment. Les tests sérologiques ne seront eux disponibles que "dans les prochains jours, les prochaines semaines", d'après le ministre de la Santé Olivier Véran. Quant aux "tests rapides", qui donneront des résultats en quelques minutes, leur réelle montée en puissance (100.000 par jour) n'est prévue qu'au mois de juin.

De nombreux paramètres toujours inconnus

En l'absence de dépistage massif, les autorités ne disposent pas pour l’instant de vision claire de la propagation de la maladie. Le gouvernement semble donc anticiper une crise au long cours, comme en témoigne l'importation de plus d'un milliard de masques, alors que la France en consomme pour l'heure 40 millions par semaine. Il faut dire que de nombreux paramètres restent inconnus, comme la saisonnalité du virus, qui semble bien résister à la chaleur comme l'indique son implantation en Afrique. "Nous avons encore des données scientifiques à engranger", a admis mercredi la porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye.

Face à ces incertitudes, l'exécutif refuse pour le moment de s’avancer sur une sortie de crise. "Pour l’instant il faut dire aux gens qu’on est au jour le jour. C’est au gré de l’évolution de l’épidémie qu’on pourra prendre des mesures, il est impossible d’annoncer aujourd’hui le scénario possible", approuve le docteur Jimmy Mohamed.

Au Royaume-Uni, les autorités sanitaires ont d'ores et déjà annoncé que les mesures mises en place pour contenir la maladie seraient réexaminées "toutes les trois semaines" durant "probablement six mois" voire plus, alors qu'un éventuel vaccin n'arriverait pas avant 2021. Une grande partie des Français doit donc se préparer à vivre en confinement encore plusieurs semaines, voire plusieurs mois.