"Notre système a besoin d'un plan d'urgence, puis d'un plan pour être refondé." Professeur émérite de diabétologie à la Pitié-Salpêtrière, André Grimaldi plaide pour une réforme drastique de l'hôpital public. Alors que commende lundi une grande consultation qui devrait aboutir au plan massif promis par Emmanuel Macron, il signe, avec Frédéric Pierru, l'ouvrage Santé : Urgence, un vaste état lieu du système de santé français, accompagné de propositions de réformes.
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"La santé doit échapper aux lois du marché"
"La réforme doit concerner l’ensemble du système de santé. Au fond, elle doit aller dans le sens évoqué par le président Macron à Mulhouse (en visite à l'hôpital militaire de campagne, le 25 mars 2020, nldr) : la santé doit échapper aux lois du marché, ce n'est pas une charge mais un bien collectif. Maintenant, il faut traduire cela en actes", explique-t-il au micro d'Europe 1. André Grimaldi espère une réforme "d'ampleur", comparable à celle menée par Michel Debré en 1958. "Les professionnels de santé, Debré, et la haute administration ont travaillé ensemble pour changer le système et en faire bien public", rappelle-t-il.
Élaguer le "mille feuilles bureaucratique" de l'hôpital public
Il appelle aujourd'hui à revenir sur certains aspects "oubliés" par les ordonnances Debré, notamment la coordination entre les hôpitaux et les médecins de ville, que la crise sanitaire du coronavirus a selon lui mis en exergue. "Il faut de la coopération, pas de la concurrence", affirme-t-il, ajoutant que cette coopération accrue permettrait un premier pas vers le désengorgement des urgences.
Au sein même de l'hôpital, il suggère d'élaguer le "mille-feuille bureaucratique à la française", en supprimant plusieurs échelons d'administration. Il appelle aussi à "en finir" avec la tarification à l'acte, promesse de l'ex ministre de la Santé Agnès Buzyn, mais toujours pas actée. "On a dégradé l'hôpital avec l'idée qu'il s'agissait d'une chaîne de production industrielle... Résultat, les infirmières changent de service à tout bout de champs, travaillent de jour une semaine, et de nuit la suivante. Comment espérer un travail d'équipe efficace ?", demande-t-il.
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Un "plan de rattrapage" sur les salaires des infirmières
Pour les infirmières, il réclame par ailleurs un "plan de rattrapage" sur les salaires. Selon les derniers chiffres publiés par l'OCDE, les 300.000 infirmièr(e)s français(es) qui travaillent à l'hôpital public sont en queue de peloton de l'Union européenne concernant leur rémunération, à la 22ème place sur 33. "Cinq ans après leur diplôme, un tiers d'entre elles changent de métier...", pointe le professeur Grimaldi.
Les concertations du "Ségur de la santé" s'ouvriront lundi pour sept semaines autour des questions de hausse des salaires, mais aussi de temps de travail, de gouvernance et de financement des hôpitaux.