L'arrêt des matches de foot a été un coup dur pour les chaînes de télé qui les diffusaient. 7:02
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Antoine Terrel , modifié à
Alors que la crise du coronavirus a entraîné l'interruption du football dans la quasi-totalité des championnats, ces décisions ont représenté un coup dur pour les chaînes de télévision et leurs téléspectateurs. Au micro d'Europe 1, Camille Gruhier, journaliste à UFC-Que Choisir, indique qu'aucune chaîne ne prévoit de remboursement global de ses abonnés.
INTERVIEW

Pour les chaînes de télévisions sportives, la pilule a du mal à passer. Alors que l'épidémie de coronavirus a entraîné la suspension de la totalité des championnats européens, tout comme des compétitions européennes, et même la fin définitive de la saison de Ligue 1, cette situation touche aussi bien Canal+, Bein Sport que  RMC Sport, privés de matches en direct à proposer à leurs abonnés, que ces derniers, qui exigent pour certains un dédommagement. 

Fin mars, Canal+ avait annoncé qu'il refusait de verser à la Ligue de football professionnel la prochaine échéance prévue au titre des droits TV de la Ligue 1. De son côté, RMC Sport, qui diffuse la Ligue des champions et la Ligue Europa, a fait savoir par la voix de son propriétaire Patrick Drahi, qu'elle comptait bien récupérer l'argent investi cette saison, soit deux fois 175 millions d'euros versés en juillet puis janvier. "Je n'ai vu personne jouer depuis mi-mars. Nous n'allons pas payer pour quelque chose que je n'obtiens pas (...) Je compte récupérer de l'argent très rapidement", avait notamment déclaré l'hommes d'affaires, cité par L'Équipe.

"Les contrats sont, en général, rédigés au bénéfice des ligues"

Pourtant, Patrick Drahi devrait avoir du mal à récupérer son argent aussi rapidement, juge Pierre Maes, expert en négociation des droits TV. "Il a des chances de revoir son argent, mais les récupérer très vite, je n'y crois pas", explique-t-il au micro d'Europe 1. Selon ce spécialiste, "tout dépendra de l'intitulé de ce qui est écrit dans le contrat conclu entre l'UEFA et RMC, sur la question de la force majeure. Dans les contrats, il peut y avoir des clauses de force majeure, qui stipulent que l'ayant droit pas livré les matches, il peut tout de même recevoir les paiements de la chaîne". S'il n'a pas d'information quant à l'existence d'une telle clause dans le contrat conclu entre les deux parties, Pierre Maes rappelle que les contrats "sont en général rédigés au bénéfice des ligues et des ayant droits, qui sont en position de force". 

Pour les téléspectateurs, "pas de remboursement global"

Et les téléspectateurs dans tout ça ? Alors que les chaînes se trouvent dans l'incapacité de diffuser des contenus pour lesquels les abonnés ont choisi de payer, ces derniers peuvent-ils se faire rembourser une partie de leur abonnement ? "Il n'y a pas de remboursement global prévu au programme", indique Camille Gruhier, journaliste à UFC-Que Choisir, et ce alors qu'"ils continuent à payer pour avoir très peu de matches". 

Les personnes dans cette situation et ayant contacté l'association de consommateurs "auraient aimé que leur chaîne les contacte, par un geste commercial qui n'aurait fait qu'attirer la sympathie des abonnés". Tous "auraient souhaité avoir un dédommagement", dit-elle encore. En revanche, précise la journaliste, "ceux qui ont contacté les services clients de leur prestataire principale, que ce soit le FAI (fournisseur d'accès à internet) ou la chaîne, ont obtenu des ristournes, ce qui est plutôt une bonne nouvelle". 

"Les chaînes jouent sur l'inertie des abonnés"

"On aurait aimé qu'il y ait une démarche volontaire, un geste commercial de la part des chaînes", ajoute néanmoins Camille Gruhier, qui incite les personnes s'estimant lésées à contacter les services clients. En revanche, une éventuelle action de groupe lui semble "très compliquée" et "un peu démesurée" pour obtenir un dédommagement. 

Pour Pierre Maes, ce manque de volontarisme des chaînes sur la question du dédommagement s'explique évidemment par des considérations financières. "C'est énormément d'argent. Si Canal+ dit à ses millions d'abonnés qu'ils ne doivent plus payer, ça représente un manque énorme dans ses comptes". Ainsi, la stratégie des chaînes est souvent de jouer "sur l'inertie des abonnés", conclut-il, rappelant qu'en Europe, "personne n'a mis en place de solution globale de remboursement".