A New-York, un hôpital de campagne a été installé dans Central Park pour accueillir des patients atteints du Covid-19 2:24
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Xavier Yvon, édité par Ariel Guez
Alors que l'épidémie de coronavirus fait des ravages outre-Atlantique, Europe 1 a pu recueillir le témoignage d'un médecin en première ligne dans un hôpital de la région de New-York, épicentre de la crise qui a déjà fait près de 10.000 morts aux États-Unis. Jason Shatkin raconte la pénurie de masques et la difficulté quotidienne de voir mourir des patients sans pouvoir agir.
TÉMOIGNAGE

Cette semaine qui s’ouvre sera "comme Pearl Harbor ou comme le 11 septembre". Aux États-Unis, c'est une catastrophe sanitaire qui s'annonce. Le pays, qui a recensé 1.200 morts en 24 heures, est particulièrement touché par la pandémie de coronavirus. Sur le terrain, le personnel soignant s'active. À New-York, épicentre de la crise, un millier de médecins et infirmiers militaires y ont été envoyés en renfort ce week-end. Mais les hôpitaux de la région sont débordés.

Un manque de masques...

Comme le dit lui-même le Docteur Jason Shatkin, son hôpital est une "ligne de front". Sept jours sur sept, ce docteur se bat pour faire face à l’afflux de malades toujours plus nombreux au Valley Hospital de Ridgewood, dans le New Jersey, en face de Manhattan. "Il a fallu rajouter des lits dans des salles de réunions", raconte ce spécialiste des maladies pulmonaires... qui doit aussi utiliser le même masque cinq fois pour économiser le matériel.

...et de respirateurs

Il n’y a pas non plus assez de respirateurs. Il faut alors, parfois, faire des choix impensables. Il y a quelques jours, Jason Shatkin avait comme patiente une femme de 72 ans, impossible à sauver. Il appelle ses enfants, et leur propose de retirer le respirateur pour laisser partir leur mère sans souffrance.

"Ils ont répondu 'est-ce qu’on peut y réfléchir ?' Je leur ai dit 'bien sûr que vous pouvez y réfléchir, je ne vous dirai jamais le contraire, mais il y a quelqu'un d’autre qui a désespérément besoin de ce respirateur'", raconte Jason Shatkin. "Je leur ai dit 'si vous nous permettez de le retirer à votre mère, ça pourrait sauver une vie...' Et ils ont dit oui. Nous étions tous en larmes et le respirateur a été installé sur un autre patient".

"Je pleure plusieurs fois par jour"

Le médecin ne voit pas mourir que des personnes âgées. Il y a aussi des plus jeunes, comme récemment un homme de 44 ans, père de cinq enfants. "Pour être franc, je pleure, plusieurs fois par jour", confesse le Docteur Shatkin. "Je laisse tout sortir, et puis je relève la tête et j’y retourne".

Il y a quelques jours, une bonne nouvelle est venue éclairer le ciel de son hôpital : Jason Shatkin a pu extuber deux patients. "On était tellement heureux ! On s’est tapé dans les mains dans les couloirs, on s’est pris dans les bras, on a pleuré de joie", raconte-t-il, ému. "C’est ça, cette maladie : d’un côté, elle détruit l’humanité, et de l’autre elle en fait ressortir le meilleur".

L’un des patients du docteur Shatkin a pu voir sa famille par vidéoconférence pour la première fois depuis trois semaines… "Une petite victoire", se félicite le médecin, sachant néanmoins que le pic n’est pas encore atteint dans la région de New York. "A chaque progrès, conclut-il, le virus frappe plus fort, et il nous rappelle qui est le patron".