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Chaque semaine, Laurent Mariotte reçoit un invité. Et cette semaine c’est   Marilou Berry. Pour elle, Ecaterina Paraschiv, cheffe du restaurant Ibrik Kitchen, à Paris, a réalisé un plat roumain : le ciulama. Des champignons rôtis, avec des petits cubes de polenta croustillants. Elle nous dévoile son astuce pour réaliser une polenta gourmande et ne pas la rater !

« Ibrik, ma cuisine des Balkans », Ecaterina Paraschiv-Poirson, Marabout, 2020 

https://ibrik.fr/

Manger est un acte essentiel et primitif. C’est, pour moi, la façon la plus universelle et inclusive de découvrir une culture, et c’est pour cela que j’ai lâché ma carrière d’avocate pour me consacrer, il y a quelques années, à la cuisine de mes origines. Je suis née en Roumanie, j’ai grandi à Bucarest jusqu’à l’âge de sept ans, et j’y ai encore beaucoup de souvenirs et d’attaches, même si ce fût de rudes années. Nous étions sous la dictature communiste de Ceaucescu, il y avait beaucoup de frustrations, pas assez de nourriture, très peu de fruits et légumes en ville. Heureusement nous avions de la famille à la campagne, qui nous faisait parvenir de bons légumes quand ils pouvaient… Ce qu’on mangeait était très basique, mais ma mère parvenait toujours à mettre beaucoup de saveurs dans sa cuisine. La Roumanie est restée un pays rural très agricole, les campagnes sont tissées de petites fermes, où chacun cultive sa parcelle pour se nourrir, et il y a des agriculteurs dans toutes les familles.

L’agriculture et l’élevage sont encore sainement rustiques, car les produits chimiques de Monsanto & co, c’est trop cher. Quelque part, c’est la pauvreté qui sauve les paysans de l’emprise de l’agro-industrialisation massive.

En Roumanie, surtout lorsque j’allais dans ma famille au nord du pays, j’ai appris à sentir, cuisiner, faire des conserves pour ne rien jeter… Nous mangions beaucoup de féculents, pomme de terre, maïs, légumes racines et produits issus de la cueillette, très peu de viande. On faisait un seul vrai repas, le soir, et régulièrement, surtout en automne, c’était du ciulama, un plat en sauce avec des champignons (récoltés par nos soins) et de la polenta, soit l’un des mets les moins chers et les plus consistants qui soient. Ce plat tout simple a marqué mon enfance.

Lorsque j’avais six ans, mon père, artiste plasticien, a gagné un prix à la Fiac qui lui a permis de venir en France. A son arrivée, il a été impressionné par l’abondance et la diversité des produits, fasciné notamment par les poubelles publiques pleines d’emballages multicolores, alors qu’elles étaient toutes grises en Roumanie… Ma mère et moi étions encore à Bucarest, dans un ghetto, et il nous a fallu un an avant de pouvoir rejoindre mon père à Paris.

Après une carrière dans la fiscalité, je décide de me reconvertir en créant un lieu de vie dans lequel je puisse me sentir chez moi. D’abord un café, puis, un an et demi plus tard, Ibrik Kitchen, le restaurant. J’ai tout appris sur le tas, en étant commis puis chef de partie, dans mon propre établissement. J’ai beaucoup travaillé pour arriver à ce que je voulais : faire découvrir la cuisine authentique des Balkans en la modernisant. C’est l’histoire de ce ciulama : j’ai enlevé la farine qui alourdit la sauce, ajouté un peu de crème et des herbes, grillé la polenta… Il n’y a rien qui me réjouit plus que lorsque mes parents viennent manger au restaurant et disent « retrouver le goût, mais en meilleur ».

 

Recette : Le ciulama

Ingrédients

Pour 6 personnes

-400 g de champignons de Paris blancs

-400 g de champignons de Paris rosés

-300 g de pleurotes

-8 gousses d'ail

-25 cl d'huile de tournesol

-1 botte de thym frais

-Feuilles de laurier 1 litre de crème liquide 35%

-2 g de poivre noir du moulin

-1 c. à c. de sucre

-Sel

 

Polenta

250 g semoule de maïs

20 g de beurre doux

3-4 feuilles de sauge fraîche

Sel

 

Préparation 

Préchauffer le four à 170°. Nettoyer soigneusement tous les champignons à l’eau, à sec au pinceau ou avec du papier absorbant.

Champignons de Paris : Tailler en deux les champignons de Paris et les placer dans un grand plat allant au four. Éplucher 4 gousses d'ail et les dégermer. Les mixer dans un blender avec 5 cl d'huile de tournesol. Arroser les champignons avec cette préparation, ajouter 15 cl d'huile de tournesol, le laurier et le thym. Placer les champignons au four 15 minutes. Lorsqu'ils sont déshydratés, récupérer les champignons et les placer dans une casserole avec la crème liquide, du thym frais, 2 feuilles de laurier, 5 gousses d'ail dégermées et écrasées, le sel, le sucre et quelques tours de poivre du moulin (selon votre goût). Laisser mijoter 40 minutes à feu doux. Rectifier l'assaisonnement en sel si nécessaire. 

Pleurotes : dans une poêle, verser de l'huile de tournesol et la dernière gousse d'ail dégermée et écrasée ainsi que du thym. Faites chauffer la poêle à température maximum. Lorsqu'elle est bien chaude, y placer les pleurotes et baisser légèrement le feu. Laisser fondre jusqu'à ce qu'elles soient croustillantes et que leur couleur commence à foncer. Réserver sans nettoyer la poêle.

Polenta : dans une casserole, porter à ébullition 1,2 litres d'eau avec le beurre, le sel et la sauge taillée finement. Baisser le feu et, à l'aide d'un fouet, incorporer en pluie la semoule de maïs. Remuer énergiquement pendant 10 minutes, sur feu doux, pour que la semoule gonfle bien. Une fois la semoule cuite, verser la préparation dans un plat et laisser refroidir, puis tailler en cubes. Au moment du service, faire sauter les cubes dans la poêle qui a servi à cuire les pleurotes (en ajoutant un filet d’huile). Servir les cubes de polenta avec les champignons et des petites feuilles de sauge.

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