"La liberté de la presse menacée"

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Chaque samedi et dimanche, François Clauss se penche sur une actualité de la semaine écoulée. Aujourd'hui, la liberté de la presse et Steven Spielberg. 

"Clauss toujours". L'humeur de François Clauss, bonjour François.

Bonjour Wendy, bonjour à tous et toutes. "La liberté de la presse n'a jamais été autant menacée". Qui est l'auteur de cette citation ?

Victor Hugo en 1870?

Léon Blum en 1936?

Non, Steven Spielberg, en 2018, dans une double interview accordée à nos confrères du Monde et du magazine Le Point, à 4 jours de la sortie de son nouveau film, "Pentagone Papers". Le film qui nous renvoie à l'Amérique de 1971, à l'histoire du premier lanceur d'alerte qui fournit au Washington Post et au New-York Times des documents secrets du Pentagone révélant que l'Amérique a sciemment attisé le conflit au Vietnam, pour mieux justifier son intervention militaire.

L'histoire du combat de la presse contre le pouvoir, à l'image du célèbre film de Pakula "Les hommes du Président", restituant dans les années 70 le scandale du Watergate.  Spielberg, animé d'une frénésie de tournage, qui a bouclé son film en moins de neuf mois, un record pour une telle production. Et qui explique dans Le Monde et dans Le Point que, oui, il y a urgence dans cette Amérique où le tweet est devenu communication, où les fake news sont devenues manipulation.

Urgence à réhabiliter la figure du journalisme, de la vérité et du 4ème pouvoir. Dans ce monde où il n'y a jamais eu tant de moyens d'être informés en temps réel, et dans lequel on n'a peut-être été aussi mal informé.

Oui, il faut entendre ce message du grand au petit écran. Et il y a là un retournement saisissant. Quand les télés tout infos, à force d'emprunter au 7ème art ses recettes --la peur, l'émotion immédiate, oublient leur mission : l'information.

Regardez, par exemple lundi dernier cette extraordinaire séquence de cinéma, parfaitement mise en scène par le pouvoir et par l'image d'un Emmanuel Macron dialoguant avec des migrants soudanais. Emotion de l'instant, peur de les recevoir. Mais quelle télé d'infos en continu nous a proposé ce jour-là un reportage au Soudan, pays de la dictature sanguinaire d'Omar El Bachir, au pouvoir à Kartoum depuis 28 ans, condamné pour génocide par la justice internationale ?

Oui, il nous faut entendre le message de fort de Spielberg, 71 ans, fasciné par la figure du reporter Tintin, qu'il a mis en scène au cinéma et par le justicier Indiana Jones, en qui il voit la figuree du journaliste baroudeur et enquêteur des années 70.

Que tout le monde aille voir dès mercredi "son" Pentagone Papers. A commencer par les patrons de presse et les directeurs de rédaction. Même si cela n'est pas rentable à court terme, il est parfois utile de payer pendant six mois deux journalistes pour décrypter les austères et indéchiffrables transferts de fonds entre le Luxembourg et le Panama pour, à l'arrivée, avoir la vérité.

Que le public aussi prenne le temps d'aller voir Spielberg, ce public qui, si l'on en croit les dernières enquêtes d'opinion, place très loin dans son cœur les journalistes, au niveau des huissiers de justice. Ce public qui reproche aux journalistes de faire trop de Kim Kardashian mais qui quotidiennement branche sa télé sur Cyril Hanouna.

Et enfin que les journalistes eux-mêmes intègrent la leçon de Spielberg, même s'il faut abandonner le mythe de la mèche rebelle de Tintin ou du fouet justicier d'Indiana Jones. On repassera peut-être devant les huissiers.