"Jamais l'humanité n'a été aussi férue d'anatomie"

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"Clauss toujours". L'humeur de François Clauss, tous les samedis et dimanches matins à 8h55 sur Europe 1.

Bonjour François

Bonjour Wendy, bonjour à tous et toutes. Savez-vous, Wendy, d'où vient l'expression "tomber sur un os" ? Les tranchées, en 1914. Le poilu chanceux qui tombe sur un vrai morceau de viande et à côté le poilu malchanceux qui doit se contenter du suçoter un os.

Cette semaine, c'est le PSG qui est tombé sur un os : 10 centimètresde calcium, le pied droit de Neymar à 222 millions d'euros.

Je me suis mis une seconde dans la peau du chirurgien brésilien, lorsqu'il a inséré cette petite vis dans le pied droit du dieu du stade. Imaginez une seconde qu'il se manquât. Un petit millimètre en trop et voilà un dieu du stade qui redevient un homme boitillant. Pression maximale mais ouf tout s'est bien passé nous dit-on.

Jamais l'humanité n'a été aussi férue d'anatomie. 180 millions de followers, haletants, suspendus à un petit doigt de pied. "Sublime, forcément sublime", aurait sans doute écrit Marguerite Duras si elle avait été encore des nôtres. Car oui, on a beau tout prévoir, tout écrire, tout payer. Non, ça ne se passe pas comme on veut dans le sport et c'est pour ça qu'on l'aime.

Cette sublime fragilité, ces destins qui se jouent à une poignée de secondes ou de centimètres et le  5 ème métatarsien de Neymar nous renvoie à la cuisse déchirée de l'ange vert, Rocheteau, privé de finale de Coupe d'Europe à Glasgow, en 1976 ou encore à la pubalgie tenace de Platini en 86, qui prive la France d'une finale de Coupe du monde.

Oui, c'est ça le sport. La même semaine : les larmes de Neymar face à l'immense bonheur des amateurs des Herbiers qualifiés pour une demi-finale de Coupe de France même si le salaire mensuel de la star de Paris équivaut à un an de budget de la petite commune du bocage vendéen.

Le petit os qui se fissure c'est tout un homme qui craque comme s'il refusait, à une semaine du rendez-vous pour lequel on le paye, 3 millions d'euros par mois, le destin bien trop grand qu'on veut lui imposer.

Neymar 2018, c'est Ussain Bolt en juillet 2017 quand toutes les caméras du monde viennent filmer l'ultime course de l'homme aux 8 médailles d'or, pour forcément une victoire et qui s'effondre sur la piste.

Neymar 2018, c'est Zidane 2006, quand au matin d'une finale de Coupe du monde, le journal l'Equipe titre "Vers les étoiles" et lui érige une statue en or. Le gamin de la Castellane, revenu sur la dalle où il a appris à jouer au foot, envoie balader d'un coup de boule un destin là aussi trop grand pour lui.

Oui, ce 5 ème métatarsien fissuré envoie un double message : au PSG et à Neymar lui-même. Neymar 2014, en pleine Coupe du monde chez lui, qui porte sur son dos tout le destin du pays et dont la 3 ème vertèbre lombaire, déjà, se fissure en quart de finale.
Quant au PSG qatari, qui avait déjà voulu faire de Zlatan son emblème a-t-il déjà oublié que son plus beau match, ce fut à Chelsea sans Zlatan, exclu, où l'équipe se qualifia à 10 contre 11.

Oui, une équipe, un club, un maillot, une histoire, seront toujours plus grands qu'un homme, un seul. Les Qataris et leurs carnets de chèques l’intégreront peut-être cette fois-ci.

Oui, c'est pour ça qu'on aime le sport et le foot. Ce n'est pas une affaire de dieu ni d'icône numérique. C'est une affaire d'homme. Vous savez, Wendy, ces êtres de chair... et d'os !