"Il faut que nos dirigeants, obnubilés par le profit et la croissance à court terme sachent aussi penser le monde dans 50 ans"

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Chaque samedi et dimanche, François Clauss se penche sur une actualité de la semaine écoulée. Aujourd'hui, rencontre avec le monde de demain, à Amsterdam.

"Clauss toujours". L'humeur de François Clauss, tous les samedis et dimanches matins à 8h55 sur Europe 1. Bonjour François.

Bonjour Wendy, bonjour à tous et toutes.

J'ai rencontré le monde de demain. Non, ce n'est pas un film, ce n'est pas une série, ce n'est pas un film. C'est un quartier d'Amsterdam : Buiks Loterham. Des entrepôts à l'abandon, des docks désertifiés, investis depuis cinq ans par une nouvelle population qui a décidé, là, de construire le laboratoire de la ville de demain. Des fourneaux au biogaz créés par un méthaniseur qui exploite les déchets, des serres aménagées sur les toits avec potagers qui utilisent les déchets des poissons comme engrais naturel. Et surtout, des panneaux solaires sur tous les toits, des batteries qui stockent le trop-plein d'énergie, des écrans qui permettent en temps réel d'échanger cette énergie entre voisins. C'est le principe de l'économie circulaire, recyclage, récupération des ressources, autoproduction. A Buiks Lotheram, on n'a plus besoin des services de la ville.

Non, ce n'est pas l'utopie hippie des années 70 dans le quartier Kristiana de Copenhague. Non, ce n'est pas une réhabilitation bobo sur fond de profits immobiliers d'anciens docks, comme à Marseille ou à Londres. C'est à l'échelle d'un quartier, la ville de demain.

L'illustration concrète de cette 3ème révolution industrielle, si chère à l'économiste américain Rifkin. Tous les grands bouleversements de l'humanité ont été le fruit de la conjonction de deux facteurs : une nouvelle énergie et un nouveau mode de communication. Charbon et machines à vapeur au 19ème siècle. Electricité et téléphone, puis télévision au 20ème siècle. Notre révolution à nous, au 21ème siècle, c'est la conjonction des énergies nouvelles et d'internet.

De Corée, du Chili, de Chine, on se bouscule à Amsterdam pour observer et apprendre. Et ça essaime. Exaspéré par l'explosion de ces factures d'énergie, le maire d'une petite commune d'Ille et Vilaine, St Sulpice la Forêt, 1.500 habitants, a appelé des start-uppers et équipé tous les compteurs d'énergie, électricité, gaz et eau de sa commune en capteurs pour gérer en temps réel et redéployer, si besoin, le chauffage, la ventilation, dans son école, sa mairie et sa salle polyvalente. A l'arrivée, 20% d'économie sur ces factures. St Sulpice la Forêt, c'est le "smart village" - le village intelligent - de demain.

A tous ceux qui haussent les épaules et pensent qu'il s'agit là de microphénomène, je répondrai que ce n'est pas tout à fait un hasard si le "smart village" se développe en Bretagne, terre qui a toujours su résister à l'envahisseur et qui fut le théâtre de la première grande lutte anti-nucléaire dans les années 70. Et ce n'est pas un hasard non plus si le monde de demain se dessine dans la ville des coffee-shops, du quartier rouge, de toutes les expérimentations sociales. Le long de ces canaux, reflets de la conscience humaine, comme l'a si bien décrit Camus dans "La Chute", et le long desquels le grand philosophe Spinoza a théorisé le besoin de sagesse de l'homme.

Oui, de St Sulpice la Forêt à Amsterdam, c'est l'homme, le citoyen qui prend son destin en main. Faudrait-il maintenant que nos dirigeants, obnubilés par le profit et la croissance à court terme, élus pour cinq ans, sachent aussi penser le monde dans 50 ans, celui de nos enfants !