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Hélène Terzian et Ronan Coquelin, édité par Antoine Terrel , modifié à
Alors qu'Édouard Philippe a dévoilé mercredi le détail de la réforme des retraites, Europe 1 a donné la parole à plusieurs catégories de travailleurs, pour connaître leur avis sur les mesures proposées par le gouvernement. 
REPORTAGE

Les mesures, enfin dévoilées, provoquent déjà l'opposition nette des syndicats. Mercredi, Édouard Philippe a détaillé le contenu de la réforme des retraites du gouvernement, et les détails du futur "système universel de retraite" par points. Annonçant notamment la fin des régimes spéciaux, un "âge d'équilibre" à 64 ans, ou encore une entrée dans le système à partir de la génération née en 1975, le Premier ministre a assuré que "tout le monde serait gagnant". Mais qu'en est-il du point de vue des principaux concernés ? Europe 1 a rencontré plusieurs catégories de travailleurs pour connaître leur regard sur les mesures proposées. 

Les professions libérales ont le sentiment d'être les plus grands perdants de cette réforme. Dans le système actuel, elles financent leurs retraites grâce à des caisses qui leur sont dédiées, telles celles existant pour les avocats, les médecins, les infirmiers libéraux ou les experts-comptables, comme Denis.

"Si je suis dans mon régime de retraite actuelle, je cotise 8.000 euros par an, et j'ai droit, en retraite, à 26.000 euros", rappelle ce dernier après avoir sorti sa calculette pour simuler sa nouvelle pension. Or, constate-t-il "avec le régime universel, j'ai 3.000 euros de moins et je cotise 40% de plus. Je n'appelle pas cela de l'équité", déplore l'expert-comptable au micro d'Europe 1, expliquant avoir l'impression que "le régime universel n'a qu'une seule vocation : financer les régimes spéciaux qui n'étaient pas financés". 

"On est perdant au niveau des pensions", râle une directrice d'école

"Il n'y aura pas de siphonnage", a pourtant assuré Édouard Philippe mercredi, et les réserves resteront dans les caisses des professionnels concernés. Lors de son allocution, le Premier ministre a aussi voulu rassurer les enseignants. Dans ce système universel, le niveau de leur pension sera maintenu, a-t-il promis, grâce notamment à un effort sur les primes.

 

Pas de quoi convaincre Aline Becker, directrice d’école maternelle en région parisienne, selon laquelle "on n'a aucune garantie en ce qui concerne le niveau de nos pensions". "Le fait qu'on passe d'un calcul des six derniers mois, où c'est les salaires les plus élevés des enseignants, à un calcul sur l'ensemble de la carrière, on est forcément extrêmement perdants au niveau des pensions", témoigne-t-elle. "En moyenne, cela représente 500 euros de pertes". Et pour Aline Becker, "la prise en compte des primes ne va pas rééquilibrer le système pour nous". 

Les agriculteurs font partie des gagnants de la réforme

Si le projet du gouvernement fait de nombreux mécontents, des professions tireront cependant profit de cette réforme, à commencer par les agriculteurs. Ainsi, au lieu d'un minimum retraite de 900 euros pour une carrière complète, Coralie touchera au moins 1.000 euros par mois. "Si on sait déjà qu'on aura 1.000 euros quand on sera à la retraite, cela ne peut être que mieux", reconnait-elle. Mais cette éleveuse de Haute-Marne de 36 ans regrette que la réforme ne concerne pas aussi ses aînés. Car les agriculteurs à la retraite n'auront pas le droit à ce minimum, ce qui fait dire à la FNSEA qu'ils font partie des "oubliés" de la réforme. "Mon oncle gagne 800 euros, et il les gagnera jusqu'à la fin de ses jours. C'est injuste par rapport au travail qu'il a fourni pendant toutes ces années", fustige-t-elle. 

Autre profil mis en avant par le gouvernement au moment de citer les gagnants de la réforme : les femmes, dont les carrières sont souvent morcelées. Le nouveau système accordera ainsi "des points supplémentaires pour chaque enfant, et ce dès le 1er enfant, et non à partir du 3ème comme aujourd'hui", a expliqué le Premier ministre, précisant que "cette majoration de 5% par enfant sera accordée à la mère, sauf choix contraire des parents". Le gouvernement assure aussi que ce système par points sera plus favorable que le calcul sur les 25 meilleures années.

Pascaline, qui travaille dans une société d'événementiel, semble convaincue. "Normalement, ça sera bénef. J'aurai des points par rapport à mon salaire, ce qui veut dire que je n'aurai pas une mauvaise retraite", espère-t-elle, se montrant toutefois prudente : "Après, avec le gouvernement... on ne sait pas".