Laurent Berger (à gauche) et Philippe Martinez (à droite) défilaient ensemble le 19 janvier dernier contre la réforme des retraites. 1:29
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Barthélémy Philippe, édité par Yanis Darras , modifié à
Après une première journée de mobilisation réussie contre le projet de réforme des retraites le 19 janvier dernier, les syndicats comptent bien marquer une nouvelle fois le calendrier le 31 janvier prochain. Pourtant, des premières divergences se font sentir entre Laurent Berger (CFDT) et Philippe Martinez (CGT).

Cela n'était pas arrivé depuis plus de 10 ans. Pourtant, le 19 janvier dernier, la CGT et la CFDT défilaient ensemble pour s'opposer au projet de réforme des retraites souhaité par Emmanuel Macron et porté par le gouvernement d'Élisabeth Borne. Mais si, à l'approche de la nouvelle journée de mobilisation du mardi 31 janvier, l'union des syndicats radicaux et réformistes contre cette réforme tient bon, des premières tensions ont pu être observés ces derniers jours. Car les fractures entre Philippe Martinez, le secrétaire général de la CGT et Laurent Berger, patron de la CFDT, n'ont jamais disparu, et se sont affichées au grand jour lors de leurs auditions à l'Assemblée ce mercredi.

Preuve en est, les différences sur la méthode à appliquer pour tenter de venir à bout du projet du gouvernement. Philippe Martinez assume les préavis de grèves reconductibles à la SNCF, à l'appel de son syndicat, tout comme les blocages dans les raffineries de pétrole. Quitte à perturber le quotidien des Français et leurs projets pour les vacances de février.

"On a invité nos organisations dans les départements, dans les professions, à faire des actions entre le 19 janvier et le 31. C'est normal que les premiers dirigeants s'inscrivent dans ce qu'ils ont proposé. L'important, c'est les manifestations et les grèves pour faire plier le gouvernement", a-t-il expliqué devant les journalistes.

La bataille de l'opinion dans toutes les têtes

Stratégie opposée en revanche pour Laurent Berger, qui refuse de durcir le mouvement afin de ne pas se mettre à dos les Français. Selon le patron de la CFDT, qui affiche ouvertement ses désaccords avec Philippe Martinez, les manifestations classiques peuvent conduire à l'abandon de la réforme. 

"Mais est-ce que quelqu'un dans ce pays découvre que l'on n'est pas toujours d'accord entre la CGT et la CFDT ?", ironise devant la presse, Laurent Berger. Et d'ajouter : "Pour autant, là, on est unis pour dire qu'on ne veut pas des 64 ans. La CFDT, elle, ne cautionne pas les coupures de courant. Elle n'est pas pour appeler à la grève reconductible dans différents secteurs professionnels. Le durcissement à tout crin, c'est le risque de perdre une partie de l'opinion", fustige le leader syndical. 

Car l'enjeu pour les syndicats reste de garder le public de son côté. Et face à un gouvernement qui mobilise ses troupes sur le terrain et sur les plateaux pour expliquer le principe de la réforme et sa nécessité pour préserver le système par répartition, ces derniers comptent bien gagner la bataille de l'opinion. 

Des Français majoritairement opposés à la réforme

Mais deux visions s'affrontent une fois encore. Philippe Martinez parie que les Français, très majoritairement défavorables à la réforme, sont prêts à accepter des journées noires dans les transports, pourvu que la mobilisation provoque l'abandon du projet. Laurent Berger pense le contraire, ce qui correspond à son ADN plus réformiste.

Selon un dernier sondage, 64% des Français soutiennent le mouvement et ils sont encore plus nombreux (72%) à clamer leur opposition à la réforme des retraites. Reste que le gouvernement a tout à fait les moyens de faire adopter cette réforme contre la rue et les syndicats, aussi impopulaire soit-elle. Et la Première ministre Elisabeth Borne ne devrait même pas avoir à dégainer l'arme du 49-3 lors de l'examen du texte au Parlement, puisque la plupart des députés du groupe Les Républicains (LR) semblent prêts à voter la réforme.

D'autant qu'en 2010, Nicolas Sarkozy avait repoussé l'âge de la retraite de 60 à 62 ans, malgré des semaines de manifestations, de grèves et de blocages. La détermination d'Emmanuel Macron, dont la popularité - 34% d'opinions favorables actuellement - risque une chute vertigineuse, sera mise à l'épreuve dans les mois qui viennent.