Prélèvement à la source : l’hypothèse d'un (très) coûteux renoncement

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Anne-Laure Jumet et François Geffrier, édité par Romain David , modifié à
Depuis plusieurs semaines le gouvernement semble s'interroger sur la viabilité du prélèvement à la source, quatre mois avant la date prévue pour son entrée en vigueur.

Le prélèvement à la source sera t-il reporté ou bien purement et simplement annulé ? Gérald Darmanin, le ministre de l'Action et des Comptes publics, a rendez-vous mardi avec Emmanuel Macron et Edouard Philippe pour les convaincre que tout est techniquement opérationnel, quatre mois avant l'entrée en application de la réforme, et alors même que le président aurait laissé entendre qu'il pouvait faire machine arrière si le dispositif apparaissait trop fragile. Mais cet éventuel rétropédalage pourrait coûter très cher à l'Etat, alors même que Bercy planche sur cette réforme - la plus importante jamais connu par l'impôt sur le revenu - depuis la fin du quinquennat de François Hollande.

Une réforme systémique de taille. L'Etat a déjà dépensé 195 millions d'euros pour le passage au prélèvement à la source. Une somme qui est pour l'essentiel due à l'investissement informatique. Il a notamment fallu adapter les outils pour calculer les taux transmis aux contribuables. Une partie de cette somme a également été consacrée au budget communication qui englobe les spots télé, les encarts dans la presse, les infographies sur le site des impôts, sans parler des kits de communication transmis aux entreprises. Enfin, les personnels des centres des impôts ont été mobilisés : des postes qui devaient être supprimés ont finalement été préservés dans le cadre, justement, de cette réforme. En tout, 40.000 agents ont été formés pour être en mesure de répondre aux questions des contribuables.

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Bercy défend le travail accompli. Tout cela a fait dire récemment à Bruno Parent, le directeur général des finances publiques : "La machine est lancée. Elle ne peut plus et ne doit plus s'arrêter". Dans les couloirs de Bercy, on défend vivement le travail accompli par l'administration fiscale, même si Le Parisien a fait état de plusieurs erreurs lors des phases d'essai, erreurs qui reposaient notamment sur les codes postaux. "Il y a certainement eu de petites anicroches lors des tests, mais si c'est une histoire de code postal, ça ne change pas l'imposition des personnes", balaye auprès d'Europe 1 Philippe Grasset, secrétaire général du syndicat FO Finances. "Il est hors de question que ce dispositif démarre avec des couacs ou des bugs importants. À notre connaissance, ce n'est pas le cas", veut-il rassurer. "On a toute confiance en nos collègues de la Direction générale des Finances publiques (DGFIP, ndlr) qui œuvrent depuis deux ans sur ce travail. Je ne pense pas que ce soit ce travail qui doit être remis en question".

Un dilemme politique. Ce syndicaliste estime donc que la balle est désormais du côté des décideurs. "Maintenant, c'est une décision politique, et on attend une réponse politique", relève-t-il. "Il faut arrêter de tourner autour du pot, ce sont les atermoiements du gouvernement qui nous questionnent actuellement, et non pas les procédures techniques à la DGFIP. Deux options restent toutefois sur la table de l’exécutif. Celle d'un nouveau report, qui permettrait de sauver les dépenses engagées, mais impliquerait de nouveaux investissements, notamment pour continuer à communiquer auprès du grand public, et celle de l'abandon du dispositif.

Ce second choix, beaucoup plus radical, serait beaucoup plus coûteux pour l'Etat, puisqu'il lui faudrait revenir à l'ancien système ou éventuellement en bâtir un autre. Et, bien entendu, refaire de la pédagogie auprès du grand public, ne serait-ce que pour justifier sa décision.