Esther Duflo Prix Nobel 1:27
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Esther Duflo, prix Nobel d'économie 2019, a créé un débat au sein de la population en proposant, avec Abhijit Banerjee, un "confinement de l'Avent pour sauver Noël". Au micro d'Europe 1, l'économiste détaille cette mesure qui a pour objectif principal de "prendre de l'avance sur le virus".
INTERVIEW

L'idée a suscité la polémique au sein de la population et réveillé les vieux démons du printemps : faut-il, pour "sauver Noël", mettre en place un véritable "confinement de l’Avent" du 1er au 20 décembre ? C'est ce qu'ont proposé, dans une tribune au Monde, les prix Nobel d'économie 2019, Abhijit Banerjee et Esther Duflo. Au micro d'Europe 1, jeudi matin, la Française défend l'idée de prévoir à l'avance une réduction de l'activité qui serait "beaucoup moins difficile à la fois psychologiquement et économiquement" face au coronavirus.

Un constat, d'abord : actuellement, "les gens ont beaucoup de mal à faire leurs prévisions", déplore Esther Duflo, selon qui les décisions "au jour le jour" du gouvernement "créent un climat d'incertitude très difficile à supporter" pour les ménages et les entreprises. "Ce n'est pas du tout bon pour l'économie", souligne l'économiste, qui n'avait pas pris la parole depuis la publication de cette tribune, publiée samedi et abondamment commentée depuis.

Organiser le confinement de manière "sereine"

Face à cette situation incertaine, il faut "prendre de l'avance sur le virus et l'organisation vis-à-vis du virus", défend l'économiste, autrice d'un traité d'Économie utile pour des temps difficiles avec Abhijit Banerjee, le co-lauréat du prix de la Banque de Suède en 2019. "Cela permettrait qu'un épisode de réduction de l'activité soit beaucoup moins difficile à la fois psychologiquement et économiquement, parce qu'on peut organiser les choses autour."

Et Esther Duflo de préciser les contours de cette organisation temporaire pendant un peu moins de trois semaines : "Tous les magasins qui ne feraient pas partie d'une chaîne pourraient rester ouverts avec des précautions particulières, en servant les gens par commandes. Ils pourraient continuer leur activité, même dans une période avec des rencontres limitées au maximum", explique-t-elle. "En y réfléchissant un peu à l'avance, on pourrait faire ça de manière beaucoup plus sereine."

Pas de mesure efficace du virus ?

La sérénité passe aussi par une clarté renforcée autour de la véritable progression de l'épidémie dans le pays, estime Esther Duflo, qui prône des tests massifs à la sortie de ce confinement hypothétique de décembre. "Notre information est très limitée aujourd'hui, parce que la population testée n'arrête pas de changer", observe l'économiste. "Quelque chose est en train de se passer mais on ne sait pas dans quelle mesure. C'est regrettable, après six mois d'épidémie, qu'on n'ait pas une manière systématique ou une jauge régulière sur l'épidémie. Si on avait cette information, on pourrait décider beaucoup plus calmement ce qu'il faut faire."

Dimanche, en réaction à cette tribune, Olivier Véran a indiqué qu'il n'envisageait pas un confinement préventif avant Noël : "Nous voulons que les Français puissent passer des fêtes de fin d'année en famille. Anticiper un confinement de trois semaines me semble de la prédiction", a expliqué le ministre de la Santé sur RTL et LCI. "Je ne suis pas fana de la prédiction, mais de l'anticipation. (…) Je ne me projette pas dans deux mois, mais au jour le jour."