La crise sanitaire a fortement impacté le transport aérien. 1:50
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Olivier Samain avec Élise Denjean, édité par Antoine Terrel , modifié à
Alors que le transport aérien est quasiment à l'arrêt depuis le début de la crise du coronavirus, la crise sanitaire impacte en réalité l'ensemble de l'écosystème économique autour des aéroports de Paris : Roissy et Orly. Dans ces deux zones, d'ordinaire riches en population active, les entreprises sont à l'arrêt et de nombreuses suppressions d'emplois sont à craindre.
DÉCRYPTAGE

Autour des aéroports de Roissy et d'Orly, c'est tout un écosystème qui s'est grippé depuis le mois de mars. Alors que le transport aérien est en quasi-hibernation depuis le début de la crise sanitaire causée par l'épidémie de coronavirus, les deux aéroports sont naturellement très impactés, tout comme le tissu économique qui les entoure, sur deux vastes territoires de plusieurs centaines de milliers d’habitants. Effondrement du nombre de vols, mise à l'arrêt des sous-traitants, des hôtels et des transports, menaces sur la survie des entreprises, les motifs d'inquiétude ne manquent pas. 

"Un véritable cataclysme"

La force de ces deux aéroports était l’insolente progression du trafic aérien : +3% en rythme annuel avec, pour accompagner cette croissance, des gros travaux de modernisation qui viennent de s’achever à Orly, et le projet de construction d’un quatrième terminal à Roissy. Mais d'un seul coup, fin mars, plus d’avions. Et aujourd'hui, très peu revolent, avec à peine 15% du trafic normal. 

Cet effondrement a provoqué une onde de choc bien au-delà des pistes et des hangars. Autour de Roissy et d’Orly, on a deux immenses territoires dont le cœur bat au rythme des mouvements d’avion, et qui hébergent l’une des populations actives les plus importantes d’Europe : 133.000 emplois directs, et plus du double si on ajoute les emplois indirects. "C’est un véritable cataclysme, parce que quand un aéroport s’arrête, ce ne sont pas que les avions qui s’arrêtent de voler", confirme à Europe 1 Alain Aubry, maire du Mesnil-Amelot, l’une des sept communes qui se partagent l’emprise de Charles-de-Gaulle, et qui préside également l’agence de développement Roissy Dev.

"C’est par exemple, pour Servair (qui fabrique les repas pour Air-France), un arrêt d’activité totale. Pour les producteurs en amont aussi. Mais c’est aussi les hôtels qui sont fermés, tous les salons, les transports, les taxis, les VTC qui travaillaient presque 24h sur 24", dit-il encore, avant de conclure : "Et c’est comme ça que vit notre territoire depuis le mois de mars." 

Des PME à l'arrêt 

Dans l’écosystème des deux aéroports, on trouve de gros sous-traitants, mais aussi plusieurs dizaines de milliers de PME qui, elles aussi, ont pris le choc de plein fouet. C'est le cas de SOS Baggage, installée à Roissy. L'entreprise, qui répare les valises des voyageurs, emploie 20 personnes. Mais alors que d'habitude, à cette période de l'année, l'atelier grouille de monde (touristes, expatriés de retour pour les fêtes, pilotes et hôtesses de l'air), il n'y a actuellement qu'une seule valise à réparer.

Interrogé par Europe 1, Mehdi Barka, le patron, dresse un bilan inquiétant. "Avant le Covid, on était à une croissance à deux chiffres. Notre chiffre d’affaires doublait, notre effectif aussi. On faisait 200.000 euros par mois", assure-t-il. "Aujourd’hui, tout est à l’arrêt. On fait à peu près 20 fois moins. Toute l’équipe quasiment est en chômage partiel et les projets d’ouverture de boutiques sont stoppés. Tout est planté quoi !" Mais Mehdi Barka reste optimiste et refuse de licencier. Car il en est persuadé : la reprise sera "phénoménale". 

De très nombreux emplois menacés 

Mais malgré l'optimisme de certains entrepreneurs, de leur côté, les élus locaux s'inquiètent des destructions d’emplois qui se profilent. Les premiers emplois détruits sont les postes d’intérimaires et les CDD (environ 6.000 sur les deux plateformes). Il y a aussi, à Charles-de-Gaulle, une dizaine de milliers de recrutements qui étaient programmés et qui ont été stoppés net. Ceux, notamment, d’un hôtel flambant neuf qui venait d’ouvrir, et qui a très vite mis la clé sous la porte. La crainte, maintenant, ce sont les emplois permanents.

Mercredi, ADP a annoncé avoir conclu un accord avec les syndicats prévoyant 1.150 départs via une rupture conventionnelle collective. Des suppressions sont aussi en vue dans les magasins duty-free de Roissy et d’Orly : 120 emplois. 

Le retour à la normale pourrait prendre des années

Face à ce sombre tableau, les acteurs économiques scrutent le moindre signal qui permettrait de stopper cette spirale, comme Augustin de Romanet, patron d'ADP. "Il y a une demande de voyages qui va s’exprimer à Noël. La destination fétiche, ça va être les départements d’outre-mer", indique-t-il. "Nous anticipons aussi une très forte hausse du trafic de Transavia". Et de conclure : "Avec ça, nous espérons monter à 35% du trafic habituel à Noël." Reste que le retour à un trafic normal prendra de longues années... 2024 au plus tôt, disent les spécialistes. À moins que le vaccin ne vienne bouleverser toutes les prévisions.