Violences dans les stades : un "problème de radicalisation" des supporters ?

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Julien Pearce, édité par Colin Abgrall , modifié à
Sur ce début de saison, la Ligue 1 a connu, de Montpellier à Saint-Etienne en passant par Nice, plusieurs débordements en tribunes, avec le retour des supporters dans les stades après les huis clos du Covid-19. Nicolas Hourcade, sociologue à l'École Centrale de Lyon et spécialiste du mouvement des supporters, décrypte pour Europe 1 la multiplication des violences dans les stades.
ANALYSE

Qu'est-il arrivé aux tribunes de Ligue 1, muettes en 2020-2021 et déchaînées en de nombreux endroits cette saison ? Depuis le 8 août et la reprise du championnat, pas moins de six épisodes violents, dans les stades ou en dehors, se sont produits sur les terrains de l'élite. À Montpellier (deux fois), Nice, Lens, Angers et le dernier en date à Saint-Étienne vendredi dernier. Un début de saison désastreux pour l’image du football français, alors que Nice-Marseille se rejoue mercredi soir. Selon Nicolas Hourcade, spécialiste du mouvement des supporters  et invité d'Europe 1, mercredi, cela pourrait, entre autres, provenir d’une "radicalisation des supporters".

Les hypothèses conjoncturelles et structurelles

La première hypothèse est la plus rassurante. En effet, elle s’explique par une excitation retrouvée des supporters après un an de huis clos. "Cela donne à la fois le meilleur avec des ambiances très ferventes, mais aussi le pire avec des incidents très fréquents. Si c’est conjoncturel, on peut espérer que ces débordements se calment prochainement", explique Nicolas Hourcade. 

La seconde, elle, est plus inquiétante. L’hypothèse structurelle, donc plus durable, serait liée à la radicalisation d’une partie du public des stades. Elle s’expliquerait à la fois par les rivalités entre les groupes de supporters et par un climat anxiogène et tendu au sein de la société", selon le sociologue. "Le stade à toujours un peu été un défouloir, mais on a l’impression qu’il l’est encore plus qu’avant", ce qui expliquerait la variété des débordements (envahissements de terrain, jets de projectiles, bagarres entre supporters). 

L’organisation des matchs en cause ?

Ces débordements, bien que plus fréquents en France, se retrouvent aussi en Europe et notamment en Angleterre, un pays "souvent présenté comme un pays épargné par les violences", note Hourcade. La recrudescence des débordements en Europe peut, en dehors des tensions entre supporters, s’expliquer par une moindre expérience dans l’organisation des matches. "On constate récemment que ce n'est pas toujours adapté. Les stadiers soient notamment moins expérimentés qu’avant la crise sanitaire. Beaucoup se sont reconvertis dans d'autres métiers", constate-t-il. Des stadiers pas assez payés, mais surtout peu formés, selon le sociologue. 

Enjeu national et sanctions individuelles 

Qui devraient prendre en compte la rémunération des stadiers et leurs formations ? "C’est une problématique nationale", avance Nicolas Hourcade. “Il est également possible que certains clubs, en difficultés financières à cause de la crise sanitaire, mettent un peu moins d’argent dans le pôle sécurité. Mais fondamentalement, il faut une impulsion nationale."

Vient alors le problème des sanctions. Pour le moment, ce sont les clubs et les supporters dans leur globalité qui sont dans le viseur de la LFP et de sa commission de discipline. Retrait de points au championnat, fermeture des tribunes… L'arsenal répressif est varié. Mais cette commission ne peut sanctionner que les clubs. Nicolas Hourcade insiste sur le fait qu'"aucun pays n’a lutté durablement contre le hooliganisme en ne sanctionnant que les clubs". 

L’objectif principal serait donc de pouvoir identifier les supporters violents, de les sanctionner et de les écarter des enceintes. "Des moyens législatifs existent pour sanctionner les fauteurs de trouble et on a tout le dispositif technique pour les identifier", indique-t-il. Mais l’autre problème qu’il faut esquiver, c’est celui du coût. En effet, pour identifier et sanctionner 100 individus, cela nécessite du temps et un certain coût pour la police. À noter tout de même que certaines interdictions de stade peuvent être prononcées par les préfets ou encore les clubs, avec leurs avantages et leurs inconvénients. Si les violences venaient à continuer, Nicolas Hourcade prône "une vraie volonté politique au plus haut niveau de l’Etat" pour répondre à ces débordements. Et retrouver la joie de tribunes festives.