Tâtonnement tactique, défense fébrile, fond de jeu... Les raisons de l'élimination des Bleus

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Le sélectionneur Didier Deschamps a essayé plusieurs schémas tactiques, en vain. © FRANCK FIFE / POOL / AFP
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Gauthier Delomez
L'équipe de France est sortie de l'Euro 2020 à la surprise générale en huitièmes de finale lundi soir contre la Suisse (3-3, 5-4 t.a.b.). Dans cette rencontre, beaucoup de secteurs de jeu ont pêché côté français. Le pari tactique de Didier Deschamps d'aligner trois défenseurs a fait déjouer les Bleus dès le début.

Un 28 juin 2021 qui rentre déjà dans l'histoire de l'équipe de France, mais pas pour les raisons attendues. Les Bleus ont été éliminés de l'Euro 2020 lundi soir à Bucarest au bout du suspense en huitièmes de finale contre la Suisse, au terme d'une partie mémorable conclue par la séance de tirs au but (3-3, 5-4 t.a.b.). L'échec prématuré de la sélection de Didier Deschamps, pourtant l'une des favorites de la compétition, s'explique par plusieurs dysfonctionnements rencontrés tout au long de ce match.

Un tâtonnement tactique coupable

La première erreur vient du sélectionneur Didier Deschamps, qui a fait le pari d'un système de jeu à trois défenseurs centraux, en prenant en compte les absences de Lucas Digne et Lucas Hernandez, les deux seuls arrières gauche des Bleus. Un schéma de jeu en 3-4-1-2, très rarement utilisé par le tacticien, où les joueurs de l'équipe de France ont semblé perdu sur la pelouse en première période. La Suisse a d'ailleurs ouvert le score dans ce temps faible des Bleus sur un centre venu du côté droit de la défense tricolore, bien repris de la tête par l'attaquant Haris Seferovic qui a (trop) facilement gagné son duel avec le défenseur français Clément Lenglet.

Conscient de l'échec de son système de jeu, Didier Deschamps a réorganisé son équipe dix minutes avant la fin de la première mi-temps, en 4-4-2 losange. Le sélectionneur a ensuite remplacé Clément Lenglet, coupable sur le premier but suisse, par l'attaquant Kingsley Coman. L'équipe de France est donc passée en 4-4-2 avec quatre joueurs offensifs. Le milieu gaucher Adrien Rabiot a dû, lui, redescendre en position d'arrière gauche, un poste qu'il n'a pas l'habitude d'occuper en club ou en sélection. Beaucoup de réorganisations au cours du match qui s'ajoutent aux précédentes, en phases de groupe. Le tâtonnement tactique de Didier Deschamps dans ce tournoi a eu raison de la fiabilité de son équipe.

Un fond de jeu quasiment inexistant

Autre révélateur du revers des Bleus, l'absence de fond de jeu notée contre la Suisse. Les partenaires de Paul Pogba ont rendu le ballon en première mi-temps à la Nati, subissant les plus grosses occasions de but. Les Bleus ont eu du mal à défendre ensemble, à se trouver, à créer du jeu. Bis repetita en début de deuxième période, où l'équipe de France est passée toute proche d'être menée 2-0 avant de reprendre les commandes. Passée l'euphorie du doublé de Karim Benzema, et du coup de génie de Paul Pogba pour lancer la France vers les quarts de finale, les joueurs tricolores n'ont quasiment plus créé de jeu et se sont fait logiquement rattrapés en fin de match.

Si Paul Pogba a réussi à faire de bonnes passes vers l'avant, sa perte de balle au milieu du terrain quelques secondes avant le temps additionnel est à l'origine de l'égalisation de la Suisse, qui a renversé le sort de cette rencontre.

Une défense fébrile, Mbappé en échec

L'autre erreur du sélectionneur réside dans la titularisation dans l'axe du défenseur Clément Lenglet, une première depuis la préparation de l'équipe de France à l'Euro 2020. En manque de rythme, le joueur du FC Barcelone n'a pas assuré dans la défense à trois, où il est apparu fébrile dans son duel contre Haris Seferovic lors du premier but suisse. Un manque d'automatisme partagé par toute la défense tricolore, non habituée à jouer dans ce système de jeu. Les occasions se sont enchaînées. Au retour des vestiaires, Benjamin Pavard, déjà sous le feu des critiques après ses dernières apparitions, a provoqué le penalty qui aurait pu faire prendre l'eau à l'équipe de France.

Malgré l'avance de deux buts prise par les Bleus, alors revenus dans un schéma classique, les défenseurs centraux Raphaël Varane et Presnel Kimpembe ont tour à tour perdu leur duel dans la surface de réparation, et laissé les Suisses égaliser au terme des 90 minutes. Signe de la fébrilité de l'équipe de France : les Bleus ont encaissé trois buts, dont l'un annulé pour une position de hors-jeu, dans les dix dernières minutes. Un relâchement fatal à ce niveau de compétition.

Cela n'aurait pu être qu'un détail, quand Kingsley Coman, Olivier Giroud et Kylian Mbappé ont chacun manqué d'efficacité devant le but. Le jeune Parisien a eu la balle de match en prolongation, mais son tir croisé a rasé le poteau gauche du gardien suisse. Son échec symptomatique lors de la séance de tirs au but, permettant à la Nati d'éliminer les champions du monde, vient mettre un point final à un Euro très décevant de la part du numéro 10 des Bleus.

Un premier tour éprouvant

Les performances en demi-teinte des joueurs français contre la Suisse, et aussi en phase de groupes, doivent s'expliquer en partie par d'autres paramètres extérieurs, dont Didier Deschamps ne peut être responsable. Dans un groupe F qualifié de "groupe de la mort" avec l'Allemagne et le Portugal, la France a dû puiser dans ses réserves pour s'extraire en tête de cette poule. Les Français ont qui plus est joué dans des conditions difficiles, notamment dans l'extrême chaleur de Budapest. Une débauche d'énergie importante quatre jours avant ce huitième de finale, alors que les Suisses ont eu six jours pour préparer cette rencontre.

L'Euro 2020 conclut aussi une saison interminable pour la plupart des joueurs français, due à la pandémie de Covid-19 qui a alourdi le calendrier des clubs. C'est l'une des raisons à la cascade de blessures du côté des Tricolores dans cette compétition. Autant de facteurs qui ont fragilisé l'équipe de France tout au long du tournoi.