Plutôt que le frais, les plus modestes ont tendance à se tourner vers des plats préparés (photo d'illustration). 3:04
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Margaux Lannuzel
Invité de Laurent Mariotte, samedi dans "La Table des bons vivants", sur Europe 1, le journaliste Frédéric Denhez, auteur d'une enquête sur la précarité alimentaire, a expliqué comment des cercles vicieux poussent les plus modestes à mal s'alimenter, souvent au prix de leur santé. 
INTERVIEW

Comment mange-t-on sans argent en France ? Mal, répond Frédéric Denhez, journaliste spécialiste de l'environnement. Invité de Laurent Mariotte, samedi dans La Table des bons vivants, l'auteur de l'enquête Ensemble pour mieux se nourrir, réalisée avec Alexis Jenni et publiée chez Actes Sud, a dressé le portrait d'un pays où la précarité alimentaire pousse une part de la population à mettre sa santé en péril. 

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"Le micro-ondes, c'est l'équipement qui revient le moins cher"

"En France, il y a aujourd'hui dix millions de personnes qui, à un moment ou à un autre, se privent de manger au moins une journée dans le mois", pose le journaliste. "Sur ces dix millions, il y en a entre trois et quatre pour qui ce n'est pas une journée, c'est une semaine, voire quinze jours, et à la fin du mois, ils ont moins d'un euro par jour et par personne pour manger."

Or, ce budget devrait atteindre "cinq euros" pour consommer "des produits de qualité, bruts, à cuisiner", selon Frédéric Denhez, qui insiste : "ça coûte cher de bien manger en France." À défaut, beaucoup des personnes interrogées par le journaliste se rabattent sur des plats préparés, pourtant plus onéreux que les boîtes de conserves, qui peuvent contenir des produits plus sains. Pourquoi ? "Ils expliquent que oui, ces plats sont dégueulasses, mais on les chauffe au micro-ondes. Et le micro-ondes, c'est l'équipement qui revient le moins cher."

"La viande, un marqueur du fait qu'on est au-dessus de la misère"

Derrière ce choix se cache aussi une question d'image, d'après l'enquête de Frédéric Denhez. "Les légumes en conserves, ça peut paraître paradoxal, mais aux yeux des gens, ça fait pauvre. Pour s'insérer dans la société, il vaut mieux manger des plats préparés. Et le marketing joue là-dessus." 

Dans la même idée, "avoir encore les moyens d'acheter de la viande, c'est dire qu'on a encore un peu de sous", explique le journaliste. "Et c'est pour cela que le discours vegan ou le discours végétarien passent aussi mal, notamment dans les quartiers. Parce que la viande, c'est un marqueur, non pas de richesse, mais du fait qu'on est encore au dessus de la misère, on ne va pas y basculer." Plutôt que de cuisiner des légumes - moins chers - seuls, beaucoup auront donc tendance à privilégier un plat carné tout fait. 

Le Covid-19 "a surtout touché des gens mal nourris"

Ces cercles vicieux entraînent des conséquences sanitaires récemment illustrées par la crise du Covid-19, selon Frédéric Denhez. "Ce qu'on oublie, c'est que la maladie a surtout touché des gens mal nourris, les obèses, ceux qui ont du diabète de type 2... Tout cela est lié à la mauvaise alimentation. On ne parle que des personnes âgées, mais en fait, c'est surtout les personnes mal alimentées, donc en grande majorité pauvres, qui ont été touchées. Ça a touché 8 millions de personnes, selon un critère statistique de l'Insee."