Enterrement obsèques coronavirus 3:37
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Mathilde Durand
Jean-Michel a perdu sa mère d'un AVC, au début du confinement. Il se confie sur l'organisation des obsèques, marqués par des mesures sanitaires strictes, et le temps du deuil, plus difficile car confiné. Il a pu compter sur la solidarité de ses amis et sa famille via les réseaux sociaux pour accompagner la mémoire de sa maman.
TÉMOIGNAGE

Comment vivre son deuil en confinement ? Alors que les mesures sanitaires pour limiter la propagation du Covid-19 contraignent les cérémonies d'obsèques, faire son deuil est rendu plus difficile par les circonstances actuelles. Jean-Michel vit à Angers. Il vient de perdre sa mère, âgée de 95 ans. Elle est décédée le mardi 17 mars, second jour du confinement. Avec deux de ses fils, venus pour passer le week-end, ils déchantent au moment d’entamer les démarches pour la préparation de la cérémonie. "On nous a tout de suite dit qu'on ne pourrait pas être plus de vingt lors de la sépulture", raconte-t-il.

Un accompagnement contraint

Des mesures strictes que l'Angevin comprend, mais qui sont difficiles pour lui et sa famille. "Ma maman était quelqu'un de très impliquée dans le village où elle avait vécu toute sa vie. Elle était très pratiquante, très croyante. On aurait voulu qu'elle soit accompagnée comme elle le méritait", se souvient Jean-Michel. "On a préparé une célébration religieuse avec quelqu'un de la paroisse du village tout en sachant que ce serait une assemblée contrainte."

La nuit suivant le décès de sa mère, Jean-Michel publie sur les réseaux sociaux une photo d'elle, au restaurant. "Nous venions de fêter ses 95 ans", précise-t-il. Pour accompagner l'image, il se confie sur ses sentiments. "J'étais vraiment désolé de ne pas pouvoir l'accompagner autrement, un de mes fils ne pouvait même pas être présent car il vit sur Lyon et ne se sentait pas bien".

Des photographies de bougies

A la suite de sa publication, Jean-Michel reçoit énormément de réactions. "Je marche sur Compostelle tous les ans, et à cette occasion j'ai crée un petit réseau", souligne-t-il. Une de ses connaissances lui indique qu'elle sera aux côtés de la famille au moment de la cérémonie, en allumant une bougie. "Le jeudi, j'ai reçu beaucoup de messages disant 'nous aussi on allumera notre bougie'." Le vendredi, jour des obsèques, Jean-Michel reçoit ainsi une cinquantaine de photographies de bougies, en signe de soutien et de solidarité.

Des images qui viennent de partout dans le monde, de la part de ses compagnons de pèlerinage : Canada, Norvège mais aussi de tous les membres de sa famille disséminés en France. "Ma femme fait partie d'une grande famille, elle a des frères et sœurs partout." 

Une célébration à la rentrée 

Cet élan de solidarité a fonctionné dès le jour de la célébration pour Jean-Michel et sa famille, dans un travail de deuil difficile. "Nous avons eu une très belle cérémonie, à douze : neuf plus trois de l'équipe paroissiale. Cela a été une aussi belle célébration que si l'Eglise du village avait été pleine. Nous nous sommes retrouvés à la maison avec mes garçons avant qu'ils ne repartent et ils ont eu le même sentiment : nous avions vécu une belle cérémonie, on en garde un beau souvenir. Nous avons eu le sentiment que nous avions accompagné ma maman comme elle le méritait". 

Jean-Michel et sa famille se sont fait la promesse d'organiser une nouvelle cérémonie en septembre ou octobre, pour tous ceux qui n'ont pas pu être là. "Faire une célébration avec le prêtre, puis un énorme pique-nique pour se rassembler et échanger." 

L'analyse de Tanguy Chastel, sociologue, spécialisé dans la fin de vie et le deuil

"Aujourd'hui, pour les familles, des obsèques confinés peuvent être douloureux. Il faut comprendre que dans le deuil, nous sommes tous égaux. C'est sans doute l’expérience de vie qui nous rassemble tous au même niveau. Que l'on soit riche ou pauvre, seul ou à plusieurs, on est tous très affecté par un deuil. Cela peut expliquer la solidarité qui se manifeste, y compris par les réseaux sociaux.

Nous sommes tous touchés par la mort de quelqu'un d'autre, car cela pourrait être la nôtre. Il faut se servir des outils actuels. Je ne suis pas surpris par l'élan de sympathie et de solidarité qui se manifestent. Il faut trouver en ce moment des réponses collectives, solidaires. Pas seulement pour le deuil, mais aussi les conditions de fin de vie qui sont particulières. Le temps du rassemblement après un enterrement est un temps de reconstruction qui risque de manquer. Il y a un risque psychique, sanitaire et social. Il faut agir maintenant."