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"La réalité de l'autre est la force de notre civilisation. Et tout d'un coup, il y a une machine d'une puissance incroyable qui rend l'autre abstrait". Invité ce vendredi au micro d'Europe 1, le journaliste et écrivain Philippe Val a dressé un constat alarmant de l'importance des réseaux sociaux dans notre société.

Les réseaux sociaux sont-ils un danger de santé publique ? Ils seraient "un détournement de l'usage d'internet, une machine de guerre et c'est comme si après avoir inventé la bombe atomique, on s'était empressé de la distribuer à tout le monde, sous prétexte qu'il y avait un marché", écrit Philippe Val, dans son Dictionnaire philosophique d'un monde sans dieu. Invité ce vendredi matin au micro d'Europe 1, en compagnie d'Abel Quentin, écrivain et avocat, qui vient de publier le roman Le Voyant d’Etampes, il est revenu sur les problèmes que posent les réseaux sociaux dans notre société.

"Ça menace les fondements mêmes de notre civilisation de respect de l'autre et de liberté"

"C'est une révolution anthropologique. C'est un changement de paradigme parce que pendant, depuis pratiquement l'Antiquité, la culture européenne essaye sans cesse jusqu'aux droits de l'homme de rendre l'autre réel. La réalité de l'autre est la force de notre civilisation. Et tout d'un coup, il y a une machine d'une puissance incroyable qui rend l'autre abstrait", explique Philippe Val.

En prenant l'exemple de Mila, la jeune femme cyberharcelée après ses vidéos polémiques sur l'islam, le journaliste considère que "Mila est abstraite. Quand les accusés disent : 'on savait pas que c'était grave', c'est parce qu'elle n'existe pas. Quand les terroristes, devant une terrasse de café, avec une mitraillette, tuent quinze personnes, ils tuent quinze abstractions. Sinon, ils le feraient pas. Ils se sont radicalisés sur les réseaux sociaux. C'est une déréalisation de l'autre et c'est une catastrophe. Ça menace les fondements mêmes de notre civilisation de respect de l'autre et de liberté."

"Ça renforce les dictatures et ça affaiblit les démocraties"

Quant à la possibilité d'une libération des voix de l'opinion publique grâce aux réseaux sociaux, Philippe Val n'y croit pas. "C'est souvent à coup de mensonges que ça marche. Ce qui se passe en ce moment en Iran, le régime n'arrive pas à maîtriser les réseaux sociaux donc c'est dans ses failles que ça sert les jeunes femmes qui se dévoilent, tandis qu'en Chine, là où le régime maîtrise parfaitement les réseaux sociaux, ça sert la dictature. Ça renforce les dictatures et ça affaiblit les démocraties."

Un constat partagé par l'auteur Abel Quentin. "Ce n'est pas parce que la technologie existe qu'elle s'améliore de jour en jour, qu'on n'est pas en droit de questionner si elle est un réel progrès. Pour moi, le bilan est négatif. Le compte n'y est pas", souligne-t-il. Selon lui, même si les réseaux sociaux ont permis des avancées, comme le Printemps arabe, "il faut avoir une analyse coût bénéfice, comme en économie, se poser la question de qu'est-ce que ça détruit ? Qu'est-ce que ça apporte aujourd'hui en Occident ? Ça détruit, et je ne suis pas du tout sûr que ça permette à l'opinion de s'exprimer dans la mesure où c'est aussi un formateur d'opinion via les algorithmes, via les algorithmes de suggestion", conclut l'écrivain et avocat.