Usine squat enlèvement Mia Sainte-Croix Suisse 3:10
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Romain David , modifié à
Le procureur de la République de Nancy, François Pérain, a détaillé dimanche après-midi le périple des ravisseurs de Mia, 8 ans, retrouvée saine et sauve quelques heures plus tôt dans un squat en Suisse. Cinq suspects ont été présentés à un juge d'instruction en vue de leur mise en examen. Ils avaient baptisé leur action "opération Lima".

Enlevée mardi par trois hommes alors qu’elle se trouvait chez sa grand-mère maternelle aux Poulières, un village des Vosges, la petite Mia, 8 ans, a été retrouvée saine et sauve dimanche dans un squat en Suisse, après cinq jours d’intenses recherches. L’enquête, qui a mobilisé quelque 200 gendarmes, a permis de retracer le périple de cinq hommes, recrutés via un intermédiaire par la mère de l’enfant, Lola Montemaggi, 28 ans, pour procéder à ce kidnapping. "Cet enlèvement a été conçu comme une opération de type militaire", a commenté dimanche, lors d’une conférence de presse, François Pérain le procureur de la République de Nancy.

Cinq hommes ont été interpellés en France et présentés à un juge d’instruction. Quatre ont reconnu avoir activement participé à l’expédition visant à enlever Mia, tandis que le cinquième aurait contribué à la préparation de cet enlèvement. Un autre suspect est toujours en cours d'identification. Interpellée en Suisse, Lola Montemaggi a été placée en garde à vue et doit faire l’objet d’un mandat d'arrêt européen pour être rapatriée en France.

"Opération Lima"

Cette dernière entre en contact, via les réseaux sociaux, avec un dénommé "Bouga" qui, à sa demande, monte une équipe pour soustraire Mia à sa grand-mère maternelle, chez laquelle vit l'enfant. L’individu mobilise alors cinq hommes, âgés de 24 à 60 ans, qui se connaissent déjà, également via les réseaux sociaux sur lesquels ils se font appeler "Jeannot" (né en 1960, sans profession), "Pitchoune" (né en 1963, intermittent du spectacle), "Le Corbeau"(né en 1997, qui perçoit une allocation d’adulte handicapé), "Bruno" (né en 1961, directeur technique pour une entreprise luxembourgeoise), et enfin un certain "Basille", celui qui n’a pas encore été identifié par les autorités.

Ces individus, insérés socialement et inconnus des services de la justice, partagent une même "communauté d’idées", a indiqué François Pérain. "Ils sont contre l’Etat, et mobilisés contre ce qu’ils appellent la 'dictature sanitaire'". Un budget de 3.000 euros a été dégagé pour assurer les frais courants de cette opération, que les malfaiteurs ont d'ailleurs baptisée "opération Lima". Il y a également du petit matériel : talkies-walkies, téléphones portables, et même un postiche. L'argent restant doit être remis à la mère de l’enfant.

Le 11 avril, trois membres du groupe arrivent de la région parisienne dans les Vosges. Un quatrième, le dénommé "Basille", a été récupéré sur le trajet. Ils passent une première nuit en camping sauvage. "Bruno" viendra les rejoindre le lendemain, 12 avril, à bord d’une Mercedes break immatriculée en Belgique - un véhicule de fonction repéré plus tard par un signalement, "grâce à l’alerte enlèvement", précise le procureur.

Un script et un véhicule maquillé

Le 13 avril, ces individus retrouvent la mère de l’enfant sur un parking, puis trois des malfaiteurs se rendent au domicile de la grand-mère, à bord d’un transporteur Volkswagen dont le logo a été maquillé pour laisser croire qu’il s’agit d’un véhicule Renault. Ils se font passer pour des éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), prétendument chargés de récupérer la fillette en vue d’une rencontre avec sa mère. "Un script a été rédigé au préalable, pour savoir ce qu’ils devaient raconter", précise le procureur. L’enfant est remis sans difficulté et les trois kidnappeurs rejoignent les autres membres du groupe et la mère restés sur le parking .

Fuite en Suisse

La mère et l’enfant se sont ensuite dirigés vers Saint-Dié, avant de franchir à pied la frontière franco-suisse. De l’autre côté, un homme surnommé "Roméo" les prend en charge dans une Porsche Cayenne pour les déposer dans un hôtel, à Estavayer-le-Lac. Puis elles prendront un taxi pour Neuchâtel ou "une sympathisante" du petit groupe, selon la formule du procureur, va les héberger avant de les conduire dans une usine désaffectée de la commune de Sainte-Croix. C’est dans ce squat que Mia sera finalement retrouvée dimanche matin, et Lola Montemaggi interpellée.

"Cette petite fille est en bonne santé", a assuré François Perain. Selon le procureur de la République, qui se refuse à les désigner comme des "survivalistes" ou de les affilier à l'extrême droite, "il est possible [que ces individus] aient envisagé d’autres actions".