Justice 1:42
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Salomé Legrand et Chloé Triomphe, édité par Mathilde Durand , modifié à
Les plaintes contre l'exécutif, les responsables politiques ou encore contre X se multiplient pour dénoncer la gestion de la crise du coronavirus. Parmi la trentaine de plaintes qui vise les ministres, deux déposées par des membres du corps médical et documentées de nombreuses annexes sont étudiées attentivement. 

Une nouvelle plainte a été déposée mardi contre un ministre sur la gestion de la crise du coronavirus. Elle vise cette fois Olivier Veran, le ministre de la Santé, alors que Christophe Castaner, Agnès Buzyn, Edouard Philippe mais aussi Muriel Pénicaud sont déjà visés. Seule compétente pour juger les ministres pour leur actes en exercice de leurs fonctions, la Cour de Justice de la République a déjà enregistré une trentaine de plaintes. 

Mise en danger de la vie d'autrui 

Membres du corps médical, syndicats, mais aussi particuliers, les plaintes se multiplient, contre l’exécutif mais aussi contre les différents responsables politiques et administratifs, ou encore contre X. Il y a ceux qui ont perdu un proche et déposé plainte pour homicide involontaire, ceux qui ont été malades ou directement exposés, qui invoquent la mise en danger de la vie d’autrui.

Et puis d’autres qui se saisissent du peu connu article 223-7 du Code pénal qui punit de deux ans d'emprisonnement et de 30.000 euros d'amende "Quiconque s'abstient volontairement de prendre ou de provoquer les mesures permettant, sans risque pour lui ou pour les tiers, de combattre un sinistre de nature à créer un danger pour la sécurité des personnes". Des citoyens qui ne comptent pas sur la commission d’enquête parlementaire "trop peu indépendante", pour avoir des réponses.

"Vous devez payer aussi" 

C’est le cas de Stéphane, propriétaire d’un hôtel en Bourgogne qui, "par manque d’information" sur la gravité de la crise, "a eu le sentiment de mettre [ses deux] employés en danger", en continuant à recevoir des clients notamment italiens dans son établissement jusqu'au début du confinement français. "On ne peut pas dire tout et n’importe et après se dédouaner", s’agace-t-il au micro d’Europe 1 dénonçant son sentiment "d’abandon total".

"Je sais bien que ça ne va pas déboucher sur grand-chose mais c’est pour leur dire que vous êtes des citoyens comme les autres, et vous devez payer aussi", précise-t-il tout en espérant que ça "fasse réfléchir" les futurs responsables politiques.

"C’est pas pour faire des nuisances contre tel ou tel", explique à Europe 1 Hervé, quinquagénaire lyonnais qui a déposé plainte contre X pour mise en danger de la vie d’autrui. "On n’a pas fermé les aéroports à temps, on n’a pas fait les stocks nécessaires de masques, ils n’ont pas réquisitionné en amont les industries pour éviter les pénuries de matériel, c’est une accumulation de fautes, ce sont des défaillances de l’Etat, il faut que ces personnes-là répondent devant un tribunal judiciaire", développe-t-il.

"Il faut que ce soit porté sur la place publique et que l’on ait des réponses ! Le problème c’est qu’ils ne reconnaissent pas leur tort, et c’est grave un pays où les dirigeants ne reconnaissent pas leurs erreurs, ce climat malsain fait que petit à petit on a une perte de confiance."

Deux plaintes étudiées par la commission des requêtes

D'après nos informations parmi les plaintes qui visent les ministres, deux déposées par des membres du corps médical et documentées de nombreuses annexes sont étudiées attentivement. C’est la commission des requêtes, une instance interne composée de neuf hauts magistrats, qui décide de leur orientation, poursuites ou classement. 

Selon une source judiciaire proche du dossier interrogée par Europe 1, la toute première plainte déposée devant la CJR par des internes est étayée d’une vingtaine de pages de documentation médicale en source ouverte, c’est-à-dire accessible à tous, afin de montrer que les gouvernants avaient tout à disposition pour se rendre compte de l’ampleur de la pandémie.

En revanche, une grande majorité des autres plaintes déposées à tous niveaux n’ont que peu de chances d’aboutir et devraient être classées sans suite. Notamment car ces délits sont précis, difficiles à caractériser.