Huit mois après la mort d'Adama, les multiples ramifications de "l'affaire Traoré"

Depuis huit mois, la famille et les soutiens d'Adama Traoré dénoncent une "bavure" des gendarmes l'ayant interpellé.
Depuis huit mois, la famille et les soutiens d'Adama Traoré dénoncent une "bavure" des gendarmes l'ayant interpellé. © AFP
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M.L avec AFP
Depuis la mort d'Adama Traoré lors de son interpellation par des gendarmes, en juillet 2016, plusieurs de ses frères ont été arrêtés pour violences. Deux d'entre eux se trouvent en garde à vue, lundi.

Au départ, "l'affaire Traoré" ne concernait qu'Adama. En juillet 2016, cet homme de 24 ans est mort lors de son interpellation, dans le Val-d'Oise. Maintenu au sol sous "le poids des corps" de trois gendarmes, Adama Traoré a succombé à un symptôme asphyxique, dont les investigations n'ont pas encore permis de déterminer s'il était liée à ses conditions d'arrestation. Fin décembre, l'enquête a été dépaysée et confiée à des juges d'instruction.

Mais huit mois après les faits, le dossier ne se résume plus à cette seule enquête. "Depuis la mort d'Adama, nous subissons des pressions, des répressions, un acharnement", affirmait début mars Assa Traoré, sa sœur aînée, dénonçant une volonté de "criminaliser" le combat de la famille. Ces derniers mois, plusieurs de ses frères ont été arrêtés après des violences, souvent commises en marge de rassemblements réclamant "justice et vérité", sur ce qu'ils perçoivent comme une "bavure". Dernier épisode en date, lundi matin : le placement en garde à vue de deux d'entre eux, soupçonnés d'avoir mené une expédition punitive. Europe1.fr a retracé une affaire aux multiples ramifications.

Outrages au conseil municipal

Quatre mois après la mort d'Adama Traoré, le 17 novembre 2016, plusieurs soutiens et membres de sa famille souhaitent assister au conseil municipal de Beaumont-en-Oise, ville où a eu lieu l'interpellation du jeune homme. Ils entendent protester contre une délibération visant à faire prendre en charge les frais de justice de Nathalie Groux, la maire par la commune. Insultée et menacée de mort dans les rues de la commune et sur les réseaux sociaux, cette dernière envisage en effet de porter plainte.

Mais les forces de l'ordre refusent de laisser entrer la famille Traoré dans la salle du conseil. Des heurts éclatent et une policière municipale reçoit un coup de poing au visage. Les manifestants sont dispersés à coup de gaz lacrymogène, et la réunion annulée. Plusieurs jours après les faits, Bagui et Ysoufou Traoré sont interpellés, mis en examen et incarcérés dans l'attente de leur procès.

Un mois plus tard, les deux hommes sont jugés pour outrages, menaces et violences. Le premier est condamné à huit mois de prison ferme et deux ans d'interdiction de séjour à Beaumont-sur-Oise, où vit une partie de sa famille. Le second écope de trois mois ferme mais sort libre, la peine étant aménageable. Seul Bagui fait appel.

Tirs sur les forces de l'ordre

Jeudi 2 mars, Bagui Traoré est extrait de sa prison du Val-d'Oise et placé en garde à vue aux côtés de sa compagne dans une affaire antérieure, également liée au décès de son frère. Après plus de sept mois d'investigations, les enquêteurs le soupçonnent d'avoir tiré en direction des forces de l'ordre mi-juillet, lors de l'épisode de violences urbaines qui avait suivi le décès d'Adama. Gendarmes et policiers avaient alors essuyé une soixantaine de coups de fusil de chasse, blessant certains d'entre eux.

Trois armes longues ont été saisies lors de perquisitions. En pleine affaire Théo, du nom d'un jeune homme affirmant qu'un policier l'a violé avec une matraque lors d'une interpellation, Bagui Traoré et sa compagne sont mis en examen pour "tentatives d'assassinats".

Expédition punitive contre un ancien codétenu

Le 13 mars au matin, deux frères d'Adama Traoré - on ignore pour l'instant si Ysoufou est l'un d'entre eux - sont interpellés aux côtés d'un troisième homme, toujours dans le quartier de Boyenval, à Beaumont-sur-Oise. Tous trois sont soupçonnés d'avoir participé à une expédition punitive visant un ancien codétenu d'Adama. Le 25 février, ils seraient allés le chercher dans une commune voisine du département et l'auraient forcé à monter dans leur voiture avant de le conduire à Beaumont. Là, la victime aurait été rouée de coups dans une cage d'escalier. Mobile potentiel : l'homme avait porté plainte contre Adama Traoré pour viols.

Placés en garde à vue dans les locaux de la gendarmerie du Val-d'Oise, les trois hommes sont sous le coup d'une enquête pour violences en réunion, avec préméditation et avec armes.