"Gilets jaunes" : après l'attentat de Strasbourg, la mobilisation de samedi aura-t-elle lieu ?

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L'attentat qui a eu lieu mardi soir en Alsace remet en cause l’éventuelle tenue de l’"acte V" des "gilets jaunes" prévu samedi. Manifestants et responsables politiques sont divisés.

Les "gilets jaunes" vont-ils de nouveau se mobiliser samedi pour un "acte V" ? La question se posait déjà lundi soir, après les annonces faites par Emmanuel Macron en faveur du pouvoir d’achat. Elle se pose encore plus sérieusement après l'attentat survenu mardi soir à Strasbourg. Alors que les forces de l’ordre sont épuisées par un mois de mobilisation continue, de nombreux responsables politiques appellent les "gilets jaunes" à ne pas manifester samedi. Mais tous ne l’entendent pas de cette oreille.

Des "gilets jaunes" divisés. Les annonces du président de la République ont déjà conduit certains "gilets jaunes" à calmer le jeu. Jacline Mouraud, porte-parole emblématique du mouvement, a notamment appelé à une "trêve". Mais cette position n’est pas partagée par tous ses camarades, dont beaucoup ne se satisfont pas des mesures promises par Emmanuel Macron. Éric Drouet, autre porte-parole, a ainsi appelé à "ne rien lâcher".

L'attentat de Strasbourg divise à nouveau les "gilets jaunes". "SAMEDI 15 DÉCEMBRE 2018 ACTE V ! Ne nous laissons pas impressionner par cet attentat monté de toutes pièces par les services secrets !!!", pouvait-on lire dès mardi soir sur une page de rassemblement des "gilets jaunes", sur fond de théories du complot très partagées sur les réseaux sociaux. "Qui monte quand même à Paris samedi ? Moi j’y vais perso !" exhortait un autre internaute. D'autres appellent à ce que le mouvement se poursuive en portant un signe noir, en hommage aux victimes de Strasbourg. Enfin, des voix (peu audibles) demandent à ce que chacun reste chez soi ce week-end.

Les politiques appellent à la "responsabilité". Contrairement aux "gilets jaunes", les responsables politiques ont (plus ou moins) accordé leurs violons depuis mardi soir. Le secrétaire d'État à l'Intérieur Laurent Nuñez a dit mercredi "espérer qu'il y aura moins de manifestations" samedi pour l'"acte V", comptant sur une "responsabilité générale" des Français après l'attaque de Strasbourg. La ministre de la Justice Nicole Belloubet a également considéré que "le mouvement (devait) cesser".

L’opposition ne dit pas autre chose. "Face à la menace que nous connaissons, il me paraît urgent de suspendre ce mouvement", a demandé le maire Les Républicains de Nice Christian Estrosi, mercredi sur Europe 1, ajoutant que cela "n’empêche pas de poursuivre le dialogue" sur les revendications par ailleurs. "Les forces de l'ordre, qui sont épuisées, doivent pouvoir se concentrer sur la sécurité des Français", a-t-il plaidé. Le porte-parole du Rassemblement national Sébastien Chenu a jugé, pour sa part, qu'il était "difficile" qu'il y ait "des Français dans les rues, sur les rond-points" samedi. "Chacun doit prendre ses responsabilités, il ne faut pas rajouter de difficulté aux difficultés", a-t-il réclamé.

" La situation a substantiellement changé mais la menace existait déjà "

Quelques voix dissonantes. Marine Le Pen se montre un peu plus réservée et "suppose que les manifestations des gilets jaunes ne pourront pas avoir lieu samedi", la France étant placée en "urgence attentat". "Si le ministre prend une décision aussi grave que celle qui consiste, dans un pays démocratique, à interdire les manifestations (seulement à Strasbourg, ndlr), c'est, je suppose, qu'il doit avoir les éléments", a-t-elle estimé. De son côté, le patron du Parti communiste Fabien Roussel a refusé d’appeler les "gilets jaunes" à ne pas manifester. "Tous les Français sont à bout, ceux qui ont un casque de policier sur la tête, qui sont des fonctionnaires épuisés, mais aussi des Français qui se battent depuis des semaines pour pouvoir vivre dignement", a-t-il justifié.

Des manifestations autorisées mais très contrôlées. Malgré le contexte sécuritaire, aucune interdiction de manifester à l’échelle nationale n’a pour l'instant été formulée par le gouvernement. "Nous n'en sommes pas là. La mesure qui a été prise, c'est l'interdiction de manifestations à Strasbourg uniquement, mercredi", a précisé Laurent Nuñez sur France Inter. "La situation a substantiellement changé mais la menace existait déjà" avant l’attaque de Strasbourg, a-t-il estimé, avant d’appeler les "gilets jaunes" à "déclarer leurs manifestations".

Si elles devaient avoir lieu samedi, les manifestations devraient être très encadrées. La France a été placée en "urgence attentat", ce qui permet d'effectuer des "contrôles d'identité renforcés", a précisé à ce propos ministre de la Justice Nicole Belloubet. Un laisser-faire qui ne satisfait pas l’éditorialiste d’Europe 1 Jean-Michel Aphatie : "On sait que quand un attentat se produit, il peut donner l'envie, hélas !, à d'autres terroristes ou apprentis terroristes de faire la même chose. Quand il y a des foules dans les rues, quel danger et donc quelle irresponsabilité d'appeler à manifester ! Par simple décence, il ne faut pas que les 'gilets jaunes' manifestent samedi".