France Télécom : les parties civiles dénoncent les «mensonges» des anciens dirigeants

Six cadres de France Télécom dont le PDG sont en procès.
Six cadres de France Télécom dont le PDG sont en procès. © Damien MEYER / AFP
  • Copié
avec AFP
Mardi, les avocats des parties civiles ont dénoncé les "mensonges" des anciens dirigeants de France Télécom. Didier Lombard et l'ex-numéro 2 Louis-Pierre Wenès sont coupables selon eux d'avoir "conçu et mis en place" une politique de réduction des effectifs massive qui a conduit des salariés au suicide à la fin des années 2000.

Les avocats des parties civiles ont dénoncé mardi les "mensonges" des anciens dirigeants de France Télécom, coupables selon eux d'avoir "conçu et mis en place" une politique de réduction des effectifs massive qui a conduit des salariés au suicide à la fin des années 2000. Didier Lombard, PDG de 2005 à 2010, et l'ex-numéro 2 Louis-Pierre Wenès nient depuis le début de leur procès devant la cour d'appel de Paris toute responsabilité.

Les "mensonges" des deux principaux prévenus

Condamnés en 2019 pour harcèlement moral institutionnel à un an de prison, dont huit mois avec sursis, et 15.000 euros d'amende, ils affirment que la direction des ressources humaines ne les a pas informés, avant l'éclatement de la crise au grand jour à l'été 2009, du malaise social dans l'entreprise. Condamné aux mêmes peine et amende qu'eux en première instance, l'ancien DRH Olivier Barberot s'est finalement désisté de l'appel initialement interjeté.

"Qu'est ce qu'il a pris Barberot !" lors de ce deuxième procès, raille mardi Me Frédéric Benoît lors de sa plaidoirie en soulignant les "mensonges" des deux principaux prévenus, "pulvérisés par la réalité du dossier". Quatre autres ex-responsables de France Télécom (devenue Orange en 2013) comparaissent aussi, condamnés en première instance de quatre mois de prison avec sursis et 5.000 euros d'amende pour complicité de harcèlement moral.

Une politique de "déflation (des effectifs) à marche forcée"

Selon Me Benoît, Didier Lombard et Louis-Pierre Wenès ont mis en place une "politique de "déflation (des effectifs) à marche forcée et violente", dont ils avaient "parfaitement conscience des conséquences désastreuses". En cause, deux plans qui prévoyaient, de 2007 à 2010, le départ de 22.000 employés et la mobilité de 10.000 autres pour restructurer l'entreprise de 120.000 personnes (privatisée deux ans plus tôt) sans avoir recours à un coûteux plan de sauvegarde de l'emploi.

Des collaborateurs dont le poste est supprimé ou le métier transformé ont ainsi été, selon Me Sylvie Topaloff, "abandonnés à leur sort", "placés dans une situation d'inconfort" ou "incités" à trouver un nouvel emploi sans rapport avec leur formation, recevant pour certains "des rafales" quotidiennes d'offres d'emploi par mail.

19 employés se sont suicidés

Sont versés au dossier le cas de 39 employés : 19 se sont suicidés, 12 ont tenté de le faire et huit ont connu un épisode de dépression ou un arrêt de travail sur la période 2007-2010. "Je ne dis pas qu'en mettant en place cette politique (les dirigeants) savaient qu'elle aboutirait à ces suicides", mais "en étant obnubilés par la réussite (des plans), ils l'ont fait passer avant la santé et la sécurité des salariés", plaide Me Benoît en se tournant plusieurs fois vers Didier Lombard.

En 2006, le PDG avait dit à ses cadres que les départs devaient se faire "par la fenêtre ou par la porte". Pour Me Jean-Paul Teissonnière, "l'extrême violence de ce discours a pour objectif de désinhiber les managers" afin d'accélérer le plan de départs volontaires. "Les responsables hiérarchiques, gavés à la politique de déflation, ne font qu'appliquer les instructions de la direction", souligne Me Benoît. Une direction, ajoute-t-il, "aveugle et sourde" aux nombreuses alertes formulées dès 2007 par les médecins du travail, inspecteurs du travail et organisations syndicales.

Une grève en 2007 après la détérioration des conditions de travail

Une grève a été décrétée en février 2007 en raison de la détérioration des conditions de travail et le syndicat SUD a mis sur pied la même année l'Observatoire du stress et de la mobilité afin de documenter le malaise social. Didier Lombard et Louis-Pierre Wenès disent ne pas en avoir entendu parler. "Mensonges", jugent les avocats des parties civiles, qui rappellent aussi que la presse s'est fait l'écho des troubles sociaux dans l'entreprise dès 2007.

"Qu'est-ce que ces dirigeants qui ne lisent pas la presse ?", s'interroge Me Topaloff. "On n'est même plus dans la défense mais dans une défausse, et c'est intolérable", grince Me Benoît. "Car si fin 2007 on avait évalué les choses sérieusement, on aurait certainement pu éviter des drames. Mais on a continué à dériver". Le procès est prévu jusqu'au 1er juillet.