Envoyer l'armée dans les quartiers pour lutter contre le narcotrafic ? «C'est une mauvaise idée» prévient Linda Kebbab
Linda Kebbab, policière et secrétaire nationale du syndicat UN1TÉ Police, était l'invitée de La Grande interview Europe 1-CNews ce vendredi matin. Au micro de Romain Desarbres, elle appelle à ne pas envoyer l'armée dans les quartiers pour faire face aux narcotrafiquants.
Comment lutter contre le narcotrafic ? La question se pose pour de nombreux maires de France, notamment dans les grandes villes, souvent dépassés par l'ampleur du phénomène. Dans le sud de la France, notamment à Marseille, la municipalité et les policiers sont souvent dépassés faute de manque de moyens, face à des narcotrafiquants toujours plus puissants. Ces derniers se livrent une guerre pour contrôler toujours plus de territoires, multipliant les assassinats, parfois en plein jour.
Marseille reste la ville la plus touchée par le phénomène. Face à la situation, 72% des Français estiment qu’il faut instaurer un état d’urgence à Marseille pour lutter contre le narcotrafic. Invité ce mercredi sur Europe 1, le maire de Nice Christian Estrosi va encore plus loin et demande la mobilisation de l'armée pour contrer les trafiquants dans les quartiers.
"Vous ne pouvez pas envoyer les armées pour aller faire du maintien de l'ordre"
Invitée ce vendredi matin sur le plateau de La Grande interview Europe 1-CNews, la policière et secrétaire nationale du syndicat UN1TÉ Police Linda Kebbab, se dresse contre l'idée. "Je pense très sincèrement que c'est une mauvaise idée, pas seulement parce que je suis policière. Déjà parce que le rétablissement de l'ordre sur le territoire intérieur, c'est un métier. Et ce sont les forces de sécurité intérieures qui sont formées à ça. Vous ne pouvez pas envoyer les armées pour aller faire du maintien de l'ordre auquel ils ne sont pas formés, pour aller parler avec les plus jeunes, pour gérer des situations de tension et réaliser des interpellations tout simplement.", insiste-t-elle face à Romain Desarbres.
Former des milliers d'éducateurs
"Vous ne pouvez pas envoyer les armées faire un métier pour lequel il y a déjà des forces existantes", insiste-t-elle. Surtout, attention à l'image renvoyée aux habitants de quartiers. "Les narcotrafiquants, c'est une mafia. Et la mafia, elle a besoin de l'opinion publique des riverains. C'est pour ça qu'elle fait aussi du social dans les quartiers, elle se met les habitants dans la poche. Et si vous envoyez les armées dans les quartiers, Ils auront la photo idéale et diront : 'Regardez, on envoie des blindés dans les quartiers contre les habitants des quartiers'", affirme-t-elle.
Pour Linda Kebbab, la solution à privilégier pour lutter efficacement et dans la durée contre les trafics serait de former "3.000 éducateurs qui connaissent parfaitement chaque prénom, chaque hall d'immeuble, plutôt que 3.000 militaires qui n'entreront pas dans les cages d'escalier et qui se contenteront d'être en patrouille à l'extérieur."