Covid-19 : inquiets de la pénurie d'effectifs, les Ehpad attendent un "geste fort" de l'État

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Pauline Rouquette
Au lendemain des nouvelles annonces du ministre de la Santé, le directeur de l'Association des Directeurs au service des Personnes Agées (AD-PA) a dénoncé, sur Europe 1, l'absence de mesures concernant le manque de personnel au sein des établissements pour personnes âgées, un public encore rudement touchées par l'épidémie de Covid-19.
INTERVIEW

"Nous restons très inquiets quant à ce qui n'a pas été annoncé, comme les créations d'emplois dans ce secteur alors qu'il fonctionne à flux tendu tout au long de l'année". Romain Gizolme, directeur de l’Association des Directeurs au service des Personnes Âgées (AD-PA) est inquiet. Invité d'Europe 1, vendredi, ce dernier a réagi aux mesures annoncées la veille par le ministre de la Santé, Olivier Véran. Des mesures "rassurantes" sur certains aspects, mais alarmantes en ce qui concerne "l'état des professionnels pour l'aide des personnes âgées en établissement comme à domicile".

"Nous avons des difficultés à trouver des remplaçants"

"Il en manque tout au long de l'année, et ce depuis des années", insiste Romain Gizolme, évoquant le dernier rapport de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), fin juillet, "qui s'en alarmait". Après une première vague de Covid-19 éreintante, les professionnels travaillant dans l'aide aux personnes âgées sont "épuisés, désabusés", s'alarme le directeur de l'AD-PA qui dénonce qu'un certain nombre d'annonces n'aient pas pris effet. Parmi elles, la prime pour les personnels des services à domicile, ou encore les revalorisations issues du Ségur de la Santé, énumère-t-il. "Donc nous avons des pro qui sont encore moins nombreux qu'habituellement, puisqu'ils peuvent être arrêtés s'il sont testés positif, s'ils ont des enfants à garder", poursuit-il. "Pour certains, ils peuvent être arrêtés parce qu'ils étaient là pendant la première vague, mais disent qu'ils ne seront pas là dans ces conditions s'il y en avait une deuxième".

Certains ont même définitivement jeté l'éponge à l'issue de la première vague. "Nous commençons à avoir des désaffections et nous avons des difficultés à trouver des remplaçants", déplore le directeur de l'AD-PA. "Il y a urgence à ce que l'État investisse dans ce secteur et crée des emplois qui permettraient aussi de lutter contre le chômage, alors que la courbe a tendance à augmenter". Romain Gizolme, comme l'ensemble des professionnels du secteur, attend du gouvernement qu'il fasse un geste fort. "Nous nous inscrivons dans un marathon qui peut se parcourir si des relais sont engagés".

"Des décès en excès que nous pourrions éviter"

Sur 900 clusters identifiés en France jeudi, 143 se trouvent dans les Ehpad, dont un en Aveyron, à Sévérac, où 12 résidents sont morts en une semaine et 41 pensionnaires testés positifs. Les Ehpad vivent-ils le même drame qu'en mars dernier ? "Nous le craignons", répond Romain Gizolme. "Si l'État a avancé sur certains points (sur la mise à disposition des masques et la question des tests), il n'a pas bougé sur le temps des professionnels auprès des personnes âgées en établissement ou à domicile", martèle-t-il. Or, précise-t-il, l'organisation de visites à domicile, le rappel des gestes barrières à des personnes âgées atteintes de troubles de la mémoire et de l'orientation, rappeler qu'il faut porter le masque, se laver les mains, tout cela nécessite du temps humain. 

Nous ne sommes donc pas mieux armés pour lutter contre l'épidémie dans les Ehpad ? "Non", selon le directeur de l'AD-PA, évoquant les cas de Bourg-en-Bresse ou Sévérac. "Cela se traduit par des décès en excès que nous pourrions éviter si nous disposions de plus de temps de professionnels".