Axel Kahn 2:02
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Mathilde Durand , modifié à
La circulation de l'épidémie de Covid-19 s'accélère en France. Malgré la gravité de la situation sanitaire, "une poignée d'irréductibles" refusent les préconisations, regrette sur Europe 1 Axel Kahn, médecin généticien et essayiste. Il déplore les discours alternatifs de certains professionnels de santé. 
INTERVIEW

Plus de 2.900 malades du coronavirus occupent désormais les lits de réanimation en France, soit la moitié de la capacité totale du territoire (5.800 lits). Et le nombre de cas positifs a augmenté de plus de 33.000 en 24 heures : la seconde vague de l'épidémie est là. Axel Kahn, ​médecin généticien, essayiste et président de la Ligue Nationale contre le cancer, déplore mercredi sur Europe 1 la "suspicion systématisée" de certains Français à l'encontre des autorités, alimentée par les discours "déconnectés" de certains professionnels, malgré la gravité de la situation sanitaire. 

"La suspicion systématisée"

"En France particulièrement, mais dans le monde entier, il y a toute une poignée d'irréductibles qui, de toute façon, s'opposent à toutes les préconisations, à partir du moment où elles viennent des autorités, qu'elles soient politiques ou scientifiques. C'est de la suspicion systématisée, ce que j'ai appelé à un moment donné, 'la sécession d'avec les discours raisonnables'", analyse le médecin.

Axel Kahn confiait s'attendre à une certaine résistance face à des mesures sanitaires impopulaires et plus strictes. Il déplore en revanche l'attitude de certains professionnels de santé, à l'instar de Didier Raoult, qui ont alimenté le doute avec des discours alternatifs. "Il y a eu des médecins - certains qui étaient un peu infectiologues, d'autres pas du tout - qui se sont mis à tenir des discours totalement désincarnés, totalement déconnectés de ce que 100% de la totalité des indications, des marqueurs, des paramètres indiquaient sans aucune possibilité d'hésitation. Et ils ont indiqué qu'il ne convenait pas de prendre des précautions et qu'il n'y aurait jamais de nouvelle vague", dénonce-t-il. 

Un manque de responsabilité 

Ces contre-vérités, selon Axel Kahn, ont parfois été relayées par les médias. Une attitude irresponsable pour le médecin, entraînant de lourdes conséquences pour la gestion de la crise sanitaire. "Cela a fini par convaincre certains Français que, puisque les scientifiques n'étaient pas d'accord entre eux, il ne fallait pas trop s'en faire. Ils ne sont pas responsables de tout, mais ils ont joué un rôle important", assure-t-il.

"Je suis un peu sévère, concède-t-il. Je ne comprends pas ce qu'il s'est passé. (...) J'en veux un peu aussi à certains de vos confrères qui se sont spécialisés dans l'invitation de ces discours, de ces propos déviants. Je l'ai dit, la presse est libre et c'est essentiel qu'elle soit libre. Mais la liberté n'exclut pas la responsabilité. La responsabilité, cela veut dire que on ne peut pas se déconnecter des conséquences de ce que l'on a fait. Et si cela a amené un moment donné, les Françaises et les Français à ne pas prendre de précautions et donc sans doute un peu à hâter ce que l'on connaît aujourd'hui, c'est à dire une nouvelle poussée épidémique d'une très grande intensité, moralement, ça n'est pas bien."