Bruno Lasserre 3:16
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Coline Vazquez , modifié à
Selon Bruno Lasserre, Vice-président du Conseil d'Etat, plus que jamais sollicité face aux mesures de restriction imposées aux Français pour lutter contre la propagation de l'épidémie de coronavirus, il s'agit de "trouver le bon équilibre entre la liberté et les sacrifices temporaires que je dois faire à ces libertés pour protéger la santé des autres".
INTERVIEW

Alors que les Français s'apprêtent à entamer leur troisième semaine de confinement, le Conseil d'Etat est plus que jamais sollicité au sujet de ces restrictions destinées à lutter contre la propagation du coronavirus. En première ligne pour s'assurer du respect des libertés pendant l'état d'urgence sanitaire, la plus haute juridiction administrative tente de rendre ses décisions en conservant un fragile équilibre entre le droit des citoyens et les mesures à imposer pour les protéger, comme l'explique Bruno Lasserre, Vice-président du Conseil d'Etat, au micro de Patrick Cohen sur Europe 1. 

Il rappelle ainsi la nécessité de "placer le bon curseur, c'est-à-dire, restreindre les libertés quand c'est nécessaire, mais seulement nécessaire, et dans la mesure où ça l'est", reconnaissant-là un objectif difficile à atteindre. 

"Ne pas atteindre les libertés plus qu'il ne faut"

"Dans une démocratie les droits et libertés parfois s'entrechoquent et entrent en conflit. Nous sommes à la fois individu et citoyen. Et en tant qu'individu nous avons des droits, celui d'aller et venir, de se déplacer, de se réunir avec d'autres personnes, de mener des activités de notre choix. Or, en temps que citoyens, nous avons choisi, en quelque sorte, de former une communauté de destin avec ceux qui composent la nation et parfois nos concitoyens sont en danger", explique le Vice-président.

En conséquence, "il faut trouver le bon équilibre entre ces droits et ces libertés, entre ma liberté dont je jouis et donc j'ai envie de jouir entant qu'individu et puis les sacrifices temporaires que je dois faire à ces libertés pour protéger la santé des autres", conclut-il, avant d'insister : "Il ne faut pas atteindre les libertés plus qu'il ne le faut pour atteindre le but d'intérêt général que l'on doit poursuivre, c'est-à-dire protéger la santé, protéger la vie de ceux qui, aujourd'hui, sont menacés". 

"Dire le droit de manière sereine et sans complaisance"

C'est donc au Conseil d'Etat que revient le rôle de préserver cet équilibre. Un rôle "difficile", selon Bruno Lasserre. Car si "le peuple français est, dans l'ensemble uni solidaire généreux, s'expriment aussi des impatiences, des frustrations, des passions, que nous devons écouter", indique le Vice-président, qui se doit "de dire le droit de manière sereine sans complaisance mais rechercher aussi l'apaisement en ces controverses". 

Bruno Lasserre reconnaît que se posent des questions quant au rôle de l'instance administrative, qui a été saisie notamment au sujet de la chloroquine, une molécule sur laquelle se fondent beaucoup d'espoirs pour combattre le virus. La crise du coronavirus "bouscule le rôle du politique, de l'expert et du juge", admet-il, rappelant que le rôle du premier est de "prendre les commandes et mener la politique publique", celui du second "de dire ce que la science recommande de faire".

Or, "le juge n'est ni l'un, ni l'autre", martèle-t-il. Et de conclure : "Nous devons écouter, nous devons contrôler, nous devons prouver en quelque sorte la juste mesure quand nous répondons à des demandes qui s'adressent à nous et ces demandes sont évidemment respectables parce que le droit d'accès au juge est un droit fondamental".