Saint-Georges-de-l’Oyapock, Guyane 2000*1000 1:50
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Hadrien Bect (depuis la Guyane), édité par Ugo Pascolo
C’est la dernière commune de France encore confinée depuis le 17 mars. Saint-Georges-de-l’Oyapock, en Guyane, subit de plein fouet la fermeture de la frontière avec le Brésil, situé de l'autre côté du fleuve. Avec un taux de chômage de 60%, une partie des 4.000 habitants de cette localité est menacée par la faim, alors que l’aide alimentaire reste insuffisante.
REPORTAGE

Sur leurs pirogues, ils sillonnent le fleuve Oyapock (Guyane) 24 heures sur 24 depuis quatre mois. Face à la flambée de cas de Covid-19 chez le voisin brésilien, les agents de la police aux frontières, assistés par des militaires, tentent d’empêcher la traversée. Mais la fermeture de la frontière entre la France et le Brésil a coupé en deux le bassin de vie locale : "Il y a des habitants qui ont de la famille côté brésilien ou côté français, et beaucoup vont également faire les courses d’un côté ou de l’autre", confirme le lieutenant Benoît au micro d'Europe 1.

"J’ai du me priver pour donner à mes enfants"

Car à quelques centaines de mètres de là, au-delà du fleuve, la nourriture coûte cinq fois moins cher qu’en France. Beaucoup d’habitants revendent aussi côté brésilien canettes et bouteilles récupérées dans les environs. Depuis sa maison faite de bois et de tôles, Marianna, une habitante du quartier d'Onozon, l'un des plus pauvres de Saint-Georges, jette un regard dépité vers l'autre rive, devenue inaccessible. Impossible pour elle d’aller gagner quelques euros de plus au Brésil. Et, avec 1.000 euros par mois pour elle, son mari et ses quatre enfants, la voilà contrainte de faire les courses dans le village, où elle se contente du strict minimum. 

"Quand on a un kilo de riz, on doit en partager la moitié à 6 ou 7 et la mélanger avec du couac [une semoule fabriquée à partir de manioc, ndlr]" explique-t-elle. "Si on ne le fait pas, on n’a rien dans nos casseroles. J’ai dû me priver de certaines choses pour en donner à mes enfants."

250 colis de nourriture par semaine, il en faudrait le double

À deux pas de la mairie, dans les locaux de l’association d’aide sociale Daac, Edouardi, constate de son côté une explosion de la demande d’aide alimentaire. Avec les bénévoles, elle sillonne les quartiers du village pour distribuer 250 colis par semaine. Trop peu, il en faudrait le double, estime-t-elle tandis que "de nouvelles demandes d'aide arrivent tous les jours". Elle est donc contrainte à faire des choix : "Si une famille a eu un colis cette semaine, on donne à une autre. On essaie d’alterner la distribution."

Pour améliorer la situation dans ce village, il faudrait pouvoir de nouveau traverser le fleuve. Mais l'épidémie ne connaît pas de répit au Brésil voisin, qui est le pays à avoir enregistré le plus de nouveaux morts liés au coronavirus en 24 heures. Autant dire qu'une réouverture de la frontière est loin d'être à l'ordre du jour.