Des passagers dans un couloir du métro bondé à Paris. 6:19
  • Copié
Tiffany Fillon , modifié à
Alors que la France connaît une dixième journée de grève de la RATP et de la SNCF, le sociologue Michel Wieviorka analyse les motivations de ces Français qui continuent d'aller au travail malgré des impressionnants mouvements de foule dans les transports. 
INTERVIEW

Au dixième jour de grève de la SNCF et de la RATP contre la réforme des retraites, Michel Wieviorka, sociologue et directeur d'études à l'EHESS, revient, au micro d'Europe 1, sur les difficultés que connaissent les Français qui se rendent coûte que coûte au travail malgré des métros et des bus bondés. 

Le spectre de 1995 place sur la France 

"Ces images nous montrent que la France n'a pas beaucoup changé par rapport à 1995, une année qui a également connu un très puissant mouvement. Mais je pense qu'aujourd'hui, ces problèmes liés aux passagers entassés dans les couloirs de métro, ne parvenant pas à monter dans des bus ou dans des trains existent beaucoup plus", analyse le sociologue.

Si les grandes villes françaises connaissent de telles difficultés, cela s'explique, selon lui, par un modèle de société différents de celui des années 90. "Je pense qu'aujourd'hui la banlieue a pris une importance bien plus grande qu'avant dans la vie économique de la région parisienne. Cela témoigne vraiment d'une évolution économique et démographique", explique Michel Wieviorka. 

Le sociologue se penche aussi sur les conditions de vie de ces Français, dont le quotidien est marqué par le manque de transports. "Cela montre qui souffre le plus : ceux qui n'ont pas le choix, qui doivent aller travailler ou se déplacer malgré la grève", affirme Michel Wieviorka. "Je pense que parmi tous ces gens qui veulent absolument venir travailler, certains n'ont pas le choix économiquement. S'ils ne viennent pas au travail, ils perdent leur salaire. Donc, pour eux, c'est une catastrophe". 

Des personnes "attachées à leur travail"

Mais Michel Wieviorka donne aussi une explication plus positive à l'existence de ce mouvement de foule dans les transports en commun. "Je crois aussi qu'un certain nombre de ces personnes sont attachées à leur travail car elles pensent que ce qu'elles font fait sens", précise-t-il. 

Pour certains travailleurs, ces journées de grève sont pourtant moins pénibles, notamment pour ceux qui bénéficient du télétravail. Selon le sociologue, cette alternative a toutefois ses limites. "Même la France du télétravail ne peut pas durablement et uniquement adopter le télétravail", prévient Michel Wieviorka. "Le télétravail, c'est bien si cela ne coupe pas complètement les salariés de leur emploi et de leurs collègues. Si il n'y a pas une capacité de se connaître, de se fréquenter, de se parler ou encore de se croiser à la cafétéria, par exemple, le télétravail renforce l'individualisme et des logiques qui peuvent être ennuyeuses."