Lieuron 1:53
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Caroline Baudry, Charles Guyard édité par Guilhem Dedoyard avec AFP , modifié à
Lieuron, une petite commune d'Ille-et-Vilaine a été le théâtre d'une importante soirée illégale depuis la nuit du réveillon du Nouvel An. Samedi matin, cet évènement, qui a réuni environ 2.500 personnes, s'est terminé. Selon la préfecture d'Ille-et-Vilaine, 1.200 verbalisations et cinq interpellations avaient été effectuées vers 11 heures.

La rave party sauvage qui se tenait depuis jeudi soir avec environ 2.500 fêtards à Lieuron, au sud de Rennes, pour fêter le Nouvel An, s'est terminée samedi matin. Malgré les risques liés au coronavirus, les autorités, qui avaient pourtant mis en place un important dispositif de sécurité, n'ont pas pu empêcher cette fête illégale. Elles avaient d'ailleurs été prises à partie par les teufeurs, qui ont brulé un véhicule et blessé trois gendarmes. Europe 1 fait le point sur ce que l'on sait de la situation.

1.200 verbalisations, un centre de tests mis en place

C'est à partir de 5 h 30 samedi que les premiers fêtards ont commencé doucement à quitter le petit hameau de la campagne bretonne, selon la préfecture d'Ille-et-Vilaine. Celle-ci a indiqué sur Twitter, tout comme le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, qu'environ 1.200 verbalisations avaient déjà été effectuées samedi à 11 h 15. Cinq interpellations ont aussi été rapportées. "Un centre de tests antigéniques #Covid est mis en place devant le gymnase de Lieuron : les participants au rassemblement sont vivement encouragés à s'y rendre", a également précisé la préfecture sur le réseau social.

"Les gendarmes continuent les contrôles et poursuivent les organisateurs", a ajouté Gérald Darmanin. "Camion, matériel de sons et générateurs ont été saisis dans le lieu de la #raveparty illégale. L’enquête se poursuit et les gendarmes poursuivent leurs investigations et leurs contrôles afin que cet événement illicite soit durement sanctionné", a souligné le ministre de l'Intérieur.

"Les forces de sécurité intérieure, nombreuses cette nuit à ma demande et les contrôles intensifs mis en place, conduisent à l’arrêt de la rave party illégale à #Lieuron sans violence. Nous poursuivons les contrôles et la verbalisation de chaque participant dès son départ du site", a également tweeté Gérald Darmanin.

Les forces de l'ordre, positionnées depuis jeudi soir sur les axes d'accès au site, procédaient samedi matin au contrôle systématique de tous ceux qui sortaient du périmètre, à pied ou en voiture. Les personnes contrôlées étaient notamment interrogées sur la prise de stupéfiants, et leur sensibilité oculaire vérifiée à l’aide d’une lampe. Ces contrôles pouvaient durer jusqu'à une dizaine de minutes. Des renforts de gendarmerie sont arrivés sur place samedi matin. En nombre, les gendarmes ont resserré peu à peu le dispositif autour du lieu de la fête. Arrivés dans les hangars les forces de l'ordre ont réveillé les derniers teufeurs et les ont regroupé pour les contrôler, le tout dans le calme.  

Une fête organisée au mépris de la distanciation physique ? 

C'est dans des hangars "désaffectés depuis plusieurs mois" au lieu-dit Courbouton que la fête avait débuté jeudi soir. Isabelle, une riveraine âgée d'une soixantaine d'années qui habite dans l'une des quelques maisons à proximité des hangars a parlé d'une arrivée des fêtards "spectaculaire" et considérait comme "un peu choquant" cet événement. Dans ce petit village de 800 habitants, les teufeurs avaient investi "deux hangars" pour "deux ambiances" différentes.

Ils jugeaient cette fête "bien organisée" avec notamment des couvertures chauffantes à disposition pour lutter contre le froid ainsi que de la nourriture. Un stand de prévention des risques était également mis à disposition des raveurs. "On respecte les gestes barrières, on n'est pas inconscients non plus. Il y a des masques, ils nous ont dit : 'ne buvez pas dans les bouteilles des autres'. On ne respecte pas la loi mais les gestes sont là", a affirmé Julie, une participante bretonne. Toutefois, selon les journalistes présents sur place, "très peu respectaient les gestes barrière".

Comment 2.500 personnes ont pu se réunir de la sorte ?

Selon la préfecture, le nombre de "teufeurs" a été estimé à 2.500 personnes au plus fort de la soirée, "en provenance de différents départements et de l’étranger". Cinq Finistériens d'une vingtaine d'années, interrogés par l'AFP, ont affirmé avoir appris l'existence de la soirée "par le bouche à oreille". "Il y avait même des étrangers, des Espagnols et des Italiens", ont-ils expliqué, confirmant des informations de la préfecture.

Des fêtards venus de Belgique et de Grande-Bretagne étaient également présents selon Jo, un participant alsacien. Ce dernier a rejoint jeudi soir à 19h30 un point de rendez-vous sur le parking d'un centre commercial avant de se diriger vers Lieuron. C'est ce qu'explique aussi Justine, une participante : "Les premières informations été divulguées à 14 heures, ensuite une deuxième vague à 16 heures pour se rejoindre au convoi à Redon". Avant que Lieuron soit choisi, Châteaubriant et Chantepie étaient évoqués et le doute a été maintenu le plus longtemps possible. 

Pourquoi les forces de l'ordre ne sont-elles pas intervenues plus tôt ?

Les forces de l'ordre avaient tenté d'empêcher de passer certains convois de teufeurs pour qu'ils ne rejoignent pas les lieux de la fête, sans succès. Selon le témoignage de Jo, des gaz lacrymogènes auraient été utilisés. Les gendarmes ont tenté jeudi soir "d'empêcher cette installation et ont fait face à la violente hostilité de nombreux teufeurs", a expliqué la préfecture d'Ille-et-Vilaine. Los de ces affrontements, "un véhicule de la gendarmerie a été incendié, trois autres dégradés et les militaires ont essuyé des jets de bouteilles et de pierres, occasionnant des blessures légères", a précisé la même source.

Un hélicoptère a survolé la zone, et des secouristes ont pu distribuer du gel et des masques "afin de limiter les risques de propagation du virus au sein du rassemblement", qui a été interdit par arrêté préfectoral.

Le parquet a ouvert une enquête pour "organisation illicite d’un rassemblement festif à caractère musical", "violences volontaires sur personnes dépositaires de l’autorité publique", "dégradation du bien d’autrui en réunion" ou encore "travail dissimulé", "tenue illicite d’un débit de boissons" et "infractions à la législation sur les stupéfiants et notamment la facilitation de l’usage".

Il est traditionnellement difficile pour les forces de l'ordre d'agir face à ces raves party. Rose-Line Prévert, la maire de la commune de Lieuron, explique qu'il "y avait une disproportion entre le nombre de participants à cette rave party et le nombre de gendarmes sur les lieux. Il y avait un pressentiment qu’il y aurait quelque chose quelque part, mais sans savoir où". Cela a rendu impossible une intervention en amont, comme cela avait été le cas en Lozère cet été, également en raison du même déséquilibre. Plutôt que de prendre le risque de faire monter les tensions comme jeudi soir ou de provoquer un mouvement de foule, la préfecture a donc choisi un bouclage de la zone.