Burn-out, perte de sens, pénibilité... Comment améliorer le bien-être au travail ?

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Le mal-être au travail semble s'être accentué depuis la crise sanitaire. © VOISIN / Phanie / Phanie via AFP
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Ophélie Artaud
Alors que le 1er-Mai célèbre le Travail, les Français sont de plus en plus nombreux à ressentir du mal-être dans leur vie professionnelle. Un sentiment qui s'est accentué depuis la crise sanitaire. Alors que les premières recommandations des Assises du Travail viennent d'être rendues, comment permettre aux travailleurs de retrouver du bien-être ?

"Reconsidérer le travail" et "restaurer la confiance" des travailleurs. Ce sont les objectifs des recommandations des Assises du Travail, publiées en début de semaine dernière. Réalisée dans le cadre du Conseil national de la refondation, cette réflexion autour de la vie professionnelle intervient alors que l'état psychologique des employés semble au plus bas. Selon un baromètre publié au début du mois de mars pour le cabinet Empreinte Humaine, spécialisé en prévention des risques psychosociaux, 44% des salariés se disent en situation de détresse psychologique.

La crise sanitaire a modifié le rapport au travail

Un mal-être qui semble s'être accentué depuis la crise sanitaire, où de nombreux Français ont reconsidéré leur rapport à leur emploi. Certains ont même démissionné ou se sont reconvertis. "Ce que nous avons traversé avec cette pandémie nous a confronté à une autre manière de regarder notre propre activité professionnelle, en nous posant des questions que nous n'avions pas le temps de nous poser dans un contexte normal", explique Sophie Prunier-Poulmaire, maître de conférences en ergonomie à l'Université Paris-Nanterre, et auteure de l'ouvrage Les grands quartiers d'affaires à l'heure des choix - Travail, salariat, urbanisme à l'épreuve des crises du XXI siècle (éditions Vuibert).

Pour la chercheuse, les causes de ce mal-être sont "multifactorielles". Tout d'abord, la pandémie a créé chez les salariés une "prise de recul à la fois spatiale, notamment avec le télétravail, mais également hautement symbolique", analyse la chercheuse. Aussi, les employés ont remis en question "le management et les relations qu'ils entretiennent avec leur hiérarchie", ainsi que le sens de leur travail.

"Cette perte de sens est bien antérieure au Covid et vient du fait que pendant des années, on a assisté à un glissement des contraintes industrielles vers les services, comme la gestion du temps, le flux tendu, le management précipité... Et on a fini par gérer les plateformes téléphoniques, les caissiers ou les hôpitaux comme on gérerait une usine", détaille Sophie Prunier-Poulmaire. À cela s'ajoute parfois un manque d'équilibre entre la vie professionnelle et la vie sociale ou familiale, notamment pour ceux qui travaillent en horaires atypiques ou décalés.

Repenser l'organisation du travail

Combinés, ces facteurs finissent par provoquer un mal-être, une détresse psychologique ou, dans le pire des cas, une dépression. Car "si on a tenté ces dernières décennies de réduire la pénibilité physique du travail, et c'est à saluer grandement, aujourd'hui la vraie question concerne cette pénibilité invisible du travail qui, à un moment donné, peut aboutir à des risques psychosociaux ou un burn-out", souligne l'ergonome.

Une fois ce constat dressé, quelles pourraient être les solutions pour permettre aux salariés de retrouver du bien-être dans leur vie professionnelle ? Les Assises du Travail ont mis en lumière la nécessité de réorganiser le travail. Un constat partagé par Sophie Prunier-Poulmaire : "Il faut repenser l'organisation du travail dans ses composantes temporelles, managériales et évidemment physiques. Il faut y réfléchir en partant du travail réel et jamais du travail prescrit, c'est-à-dire en se demandant ce qu'est la réalité quotidienne des travailleurs", détaille l'ergonome.

La semaine de quatre jours, une solution ?

Tout cela semble expliquer pourquoi une majorité de Français - 68% selon un sondage Ifop pour le Journal du Dimanche publié début avril - rejette la réforme des retraites et le passage de l'âge légal de départ à 64 ans : "Il faut entendre ceux qui disent qu'ils ne se sentent pas capables d'aller jusqu'au bout de leur carrière et d'allonger leur temps de travail", insiste la chercheuse. "Je regrette notamment que l'on aborde le sujet de l'allongement de la vie professionnelle jusqu'à 64 ans sans se poser aussi la question de la réduction du temps de travail à l'échelle de la semaine", notamment à travers une réflexion autour de la semaine de quatre jours.

Une proposition qui apparaît d'ailleurs dans les recommandations des Assises du Travail pour "favoriser les équilibres des temps de vie". Certains pays l'ont déjà adoptée et des expérimentations sont actuellement faites dans certaines entreprises françaises.

Si, pour la chercheuse, il ne faut pas se précipiter, des réflexions sérieuses autour de la semaine de quatre jours méritent d'être engagées. "Il n'y a pas de solution toute faite et idéale, mais dans la situation de blocage où nous sommes aujourd'hui, il y a peut-être des voies qui tourneraient autour de cette question qui habite beaucoup les gens. Ça pourrait converger dans les questions de qualité de vie et d'équilibre", avance Sophie Prunier-Poulmaire. Une manière peut être d'enfin "réenchanter le travail".