Avant Mamoudou Gassama, ces (rares) régularisations pour acte de bravoure

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Le Malien de 22 ans qui a sauvé un enfant à Paris va voir ses papiers régularisés avant d'être naturalisé français, lui a annoncé Emmanuel Macron lundi. Quelques précédents existent en la matière.

La procédure est aussi rare que médiatique. Mamoudou Gassama, Malien sans papiers de 22 ans, va voir ses papiers régularisés dès lundi, avant d'être naturalisé français a annoncé le président de la République Emmanuel Macron. Arrivé en France il y a "quelques mois", selon la maire de Paris Anne Hidalgo, le jeune homme en situation irrégulière a escaladé la façade d'un immeuble à mains nues pour sauver un petit garçon agrippé à un balcon, au-dessus du vide, samedi. Politiques, associations et anonymes réclamaient depuis qu'il soit régularisé et décoré pour son courage, notamment via une pétition.

La démarche est prévue par les textes : une circulaire datant du 28 novembre 2012 prévoit la possibilité pour les préfets de délivrer "une carte de séjour temporaire" à un étranger en situation irrégulière "pouvant justifier d'un talent exceptionnel ou de services rendus à la collectivité", "par exemple dans les domaines culturel, sportif, associatif, civique ou économique". Mais son utilisation reste très marginale : selon les chiffres les plus récents publiés par le ministère de l'Intérieur, seules 14 personnes ont été régularisées à ce titre en 2013, 9 en 2014 et 8 en 2015. Des cas dont les actes de bravoure ont souvent fait l'objet de multiples reprises médiatiques.

Deux sans-papiers régularisés après un incendie à Aubervilliers

Sans eux, le bilan de l'incendie mortel survenu dans une tour de banlieue parisienne aurait probablement été beaucoup plus lourd. En juin 2014, à Aubervilliers, deux colocataires d'origine tunisienne, en situation irrégulière, passent la soirée chez eux lorsqu'une poussette prend feu dans le hall de leur immeuble, embrasant le bâtiment. Mohamed Khaderni et Mohssen Oukassi descendent les étages en prévenant les habitants de ne pas emprunter les escaliers, avant d'aider certains d'entre eux à fuir par un échafaudage. "On a sauvé des gens, on n'a pas réfléchi à ce qu'on faisait", commentera le second. Quelques semaines plus tard, la préfecture de Seine-Saint-Denis décide de régulariser la situation des deux hommes à titre exceptionnel. "L'un et l'autre étant dépourvus d'un titre de séjour, le préfet de la Seine-Saint-Denis a décidé, eu égard à leur comportement exemplaire, de leur accorder une autorisation de séjour en France", indique l'administration dans un communiqué.

Interrogé par Libération moins d'un an plus tard, en janvier 2015, Mohssen Oukassi se dit cependant "fatigué" par les démarches à accomplir. "Les choses ont changé. Il y a quelques mois on m'appelait 'le héros', on me parlait de mon avenir. Maintenant, on me dit : 'attends, attends'. Rien n'a avancé depuis l'incendie."

Un homme "remercié" après les inondations sur la Côte d'Azur

Quelques mois plus tard, une autre histoire fait la "Une" des médias du sud de la France. En octobre 2015, des orages d'une rare intensité s'abattent sur le département des Alpes-Maritimes. Les pluies sont torrentielles et des coulées d'eau s'engouffrent dans les villes, menaçant les habitants de nombreuses communes dont Vallauris Golfe-Juan, près de Cannes. C'est là que vit Nizar Hasnaoui, un employé du BTP d'origine tunisienne, en situation irrégulière. Sous ses fenêtres, quatre personnes sont coincées dans leurs voitures. Avec un ami, le jeune homme parvient à les extraire de leurs véhicules et les accueille chez lui en attendant les secours.

Dans son cas, les démarches prennent un peu plus de temps. Mais onze mois plus tard, en septembre 2016, Nizar Hasnaoui obtient des papiers en règles. "Il vient d'obtenir un titre de séjour d'un an renouvelable de la préfecture des Alpes-Maritimes", annonce un conseiller municipal de la mairie de Vallauris Golfe-Juan. "La France l'a remercié en appliquant la loi et en lui octroyant le titre de séjour provisoire qui lui faisait défaut" depuis quatre ans, ajoute-t-il.

Lassana Bathily, le "héros" de l'Hyper Cacher

Le cas de Lassana Bathily est légèrement différent. Le 9 janvier 2015, le jeune Malien n'est pas en situation irrégulière : depuis quatre ans, son titre de séjour est renouvelé d'année en année. Ce jour-là, l'employé travaille à l'Hyper Cacher de la porte de Vincennes, pris pour cible par Amedy Coulibaly. Alors que le terroriste fait feu dans le magasin, l'homme a le réflexe de cacher une quinzaine de clients, dont un enfant et un nourrisson, dans le congélateur situé au sous-sol. Puis il prend le risque de s'enfuir seul pour donner au Raid de précieuses informations logistiques ainsi que la clé du rideau de fer de la boutique.

Quelques jours plus tard, une pétition réclamant la naturalisation de Lassana Bathily et de multiples pages Facebook la relayant circulent sur internet. À la mi-janvier, le ministère de l'Intérieur demande l'instruction en urgence de sa demande, déposée avant l'attentat.  Elle est acceptée.

 

"Une décision exceptionnelle" pour Emmanuel Macron

"C'est un acte exceptionnel, un acte d'héroïsme. J'ai souhaité qu'on puisse prendre une décision exceptionnelle pour vous", a assuré le président de la République à Mamoudou Gassama, lundi. "On ne peut pas donner (de papiers) à tous ceux qui viennent du Mali, du Burkina. Quand ils sont en danger on donne l'asile, mais pas pour des raisons économiques", a ajouté Emmanuel Macron, insistant sur le caractère spécifique de ce cas de figure. "Un acte exceptionnel ne fait pas une politique."

"À grand homme, la patrie reconnaissante", a ajouté le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb sur Twitter, annonçant son intention de veiller "personnellement" à ce que la demande de naturalisation de Mamoudou Gassama soit "acceptée dans les plus brefs délais".