Vaccin 1:33
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Frédéric Michel, Lionel Gougelot, Anne Le Gall avec AFP, édité par Mathilde Durand
La campagne de vaccination élargie à toutes les personnes âgées de plus de 75 ans et aux personnes à risques a débuté ce lundi. Mais des critiques se font déjà entendre de la part des élus locaux, notamment les maires, qui déplorent un manque de doses du vaccin Pfizer. 
REPORTAGE

Top départ pour une campagne de vaccination élargie contre le Covid-19. Après les résidents d'Ehpad et les personnels soignants de plus de 50 ans, l'injection est possible depuis ce lundi pour les plus de 75 ans résidant à domicile, ainsi que les personnes présentant des pathologies "à haut risque" (cancer sous traitement, insuffisance rénale etc...). Au total, près de 8 millions de Français sont désormais invités à se faire vacciner. Mais dès la première journée, des critiques se font entendre autour de l'organisation et d'une crainte de pénurie de doses.

"Rien n'a été anticipé" 

Dans les Alpes-Maritimes, à Mandelieu-la-Napoule, le palais des Congrès de la ville est prêt à accueillir les volontaires. Plusieurs espaces ont été installés pour permettre une distanciation entre les patients et une vaccination sous contrôle. Dans les réfrigérateurs, une cinquantaine de doses, prêtes à l'emploi. "J'ai eu la lettre de mon médecin qui autorisait évidemment le vaccin, la mairie m'a donné rendez-vous ce matin à 10h45, cela va très vite", confie Jean-Claude, 78 ans, un des premiers à recevoir l'injection ce lundi.

Pour autant, tous ne sont pas aussi chanceux. Armand, 80 ans passés, devra encore patienter. "Je vois l'Angleterre qui est sortie de l'Europe et qui a fait plus de 2 millions de vaccins. Et nous Français, on attend, pleurant pour quelques vaccins", s'agace-t-il. "Et puis ce (lundi) matin, vous écoutez le porte-parole du gouvernement qui nous dit que tout va bien. Je ne comprends pas qu'on ait autant de culot, autant de possibilités pour mentir."

Dans un département où les personnes âgées représentent 30% de la population, les élus s'inquiètent de la pénurie de doses. "On voit une nouvelle fois la faillite totale de l'Etat : c'est un désastre", constate amèrement Sébastien Leroy, maire LR de Mandelieu. "Rien n'a été anticipé, il n'y a aucun planning de livraison. On ne sait même pas combien de doses on va avoir pour les trois prochains jours, donc on est dans l'incapacité de fixer des rendez-vous alors qu'on pourrait vacciner entre 1.500 et 1.800 personnes par jour." En moins d'une heure, les équipes de la municipalité confient avoir reçu près de 2.600 appels.

Les maires en colère face à la situation 

Cette situation n'est pas propre au sud de la France. A quelques centaines de kilomètres, à Lille, la maire Martine Aubry déplore des capacités de vaccination limitées, malgré les efforts des acteurs locaux. Deux centres, d'une capacité de vaccination de 800 et 840 personnes par semaine, ont ouvert mais la préfecture a refusé d'en faire plus, selon elle. "On est prêt à ouvrir d'autres sites : on peut ouvrir le Zenith", affirme l'édile PS, qui assure que la métropole du Nord pourrait vacciner un millier de personnes par jour. 

"Il faut que le gouvernement nous dise la vérité : on manque de vaccins", déplore Martine Aubry. "Je me suis tue jusqu'à présent sur les masques, sur les tests… J'ai toujours fait ce que le gouvernement nous demandait de faire, parce que je sais que c'est difficile. J'ai été ministre de la Santé". 

"Aujourd'hui, je le dis avec force : s'il n'y a pas assez de vaccins, ce que je crains vraiment, dites-le-nous ! Que nous choisissions les personnes qui ont le plus besoin d'avoir ces doses. Mais on ne peut pas repartir dans cette incertitude, alors qu'on est prêts, qu'on peut faire beaucoup plus", lance Martine Aubry.

De nombreux maires ont également fait part de leur frustration face aux doses reçues ce lundi. A l'instar de Jean-Didier Berger (Libres!, ex-LR), maire de la ville de Clamart, dans les Hauts-de-Seine. Sur le site de la mairie, on peut lire que "contrairement aux annonces gouvernementales", la ville n'a à sa disposition que "170 et non 420 doses de vaccin". Des rendez-vous "vont devoir être reportés".

Le principe de réalité évoqué

Le gouvernement fait face à une équation arithmétique complexe. Si huit millions de Français sont désormais invités à se faire vacciner, il faudra un stock de 16 millions de doses pour permettre les deux injections. Or, selon la Direction générale de la Santé, 11 millions de doses seulement seront reçues à la fin du mois de février. Ainsi, toutes les personnes prioritaires ne pourront donc pas recevoir leur deux injections anti-Covid avant mi-mars, au mieux.

"A chaque fois que des doses arrivent, on les met immédiatement à disposition, on ouvre des créneaux de rendez-vous pour les Français. Nous sommes en flux tendu, c'est notre stratégie, c'est la stratégie de tous les pays qui vaccinent", a rassuré le ministre de la Santé, Olivier Véran, en marge d'une visite au CHU de Grenoble. Le nerf de la guerre est évidemment le nombre de doses de vaccin qui seront disponibles au fil de l'eau, et comme l'indiquait Alain Fischer, le "Monsieur vaccin" du gouvernement, "la vaccination va progresser", a-t-il affirmé sur RTL. "Il y a urgence mais il faut vivre avec un principe de réalité : c'est 'quelles quantités de vaccins sont disponibles?'". 

A ces critiques se sont ajoutés les craintes d'une baisse de cadence "pour trois à quatre semaines" annoncée par le groupe américain Pfizer, associé au laboratoire allemand BioNTech. Samedi, les entreprises ont finalement évoqué un "plan" pour accélérer la production et revenir au calendrier initial de livraisons de son vaccin en Europe "à partir de la semaine du 25 janvier". Le retard de livraison sera rattrapé "à la fin du 1er trimestre", a assuré lundi la ministre déléguée à l'Industrie Agnès Pannier-Runacher, se disant cependant "vigilante".

En France, les livraisons se font actuellement au rythme d'environ 500.000 vaccins Pfizer par semaine. Néanmoins, ces livraisons sont réparties dans chaque départements français, soit une centaine. Ainsi, seulement 5.000 doses par semaine sont acheminées pour l'instant dans chaque collectivité.